Ce petit ouvrage constitue une excellente introduction au débat sur l’eau comme bien public de l’humanité. Il aurait pu s’intituler : Big Water is washing you ! Il s’agit de la traduction d’une enquête réalisée par Charles C. Mann, un historien américain, et parue en mai 2007 dans Vanity Fair. Le fait que ce soit un grand reportage rend la lecture très fluide. Par les allers et retours entre les situations concrètes et les données analytiques, l’auteur parvient à brosser un tableau synthétique de la bataille de l’eau à l’échelle mondiale. En partant de l’exemple de la gestion de l’eau dans quelques villes – Changzou (Chine), Buenos Aires (Argentine) ou encore Cochabamba (Bolivie) – il dresse un véritable réquisitoire contre les grandes multinationales de l’eau, qu’il regroupe sous le sobriquet de « Big Water ». Il montre notamment comment les villes des pays émergents, et en particulier les agglomérations chinoises, se retrouvent aujourd’hui au cœur de cette bataille de l’eau, avec l’appui du FMI et de la Banque mondiale. Surtout, il fait deux rappels particulièrement intéressants. Le premier concerne les États-Unis : « Il y a plus d’un siècle, la plupart des systèmes d’eau américains étaient privés […]. Les municipalités américaines se tournèrent vers un système d’eau public […] parce que les systèmes privés ne desservaient pas les pauvres des villes ». Le second concerne les possibilités de retour en arrière à la suite de la privatisation de systèmes de distribution publics, comme l’a bien montré la situation à Buenos Aires, après le retrait en 2005 de Suez et de Aguas de Barcelona : « La ville dut reconstituer le service à partir de zéro », ce qui rend la démarche particulièrement coûteuse ! Big Water est devenue une véritable pieuvre qui étend son emprise et est pratiquement parvenue à transformer la boue et la pollution en pièces d’or. Car, comme le résume fort bien Madame Wu en guise de conclusion, tout ça, « c’est bon pour les riches » ! Henri Clément
Allia, 66 pages, 3 euros