À Bordeaux, l’extrême droite constitue une grande famille (à la limite de la consanguinité tant les liens entre orgas sont multiples) avec comme pivot l’église catholique intégriste Saint-Éloi offerte en 2000 par Juppé aux lefebvristes de la congrégation du Bon-Pasteur. Bloc identitaire, Dies Irae, FN… toutes les organisations de l’extrême droite locale ont un lien, politique ou affinitaire, avec cette église. De l’avis même de David Rachline1, dirigeant national du FNJ : « Il y a un bon esprit dans cette région. On travaille avec certains militants du Bloc identitaire, d’Égalité et réconciliation, et du Forum étudiant2. »
Célèbre pour son vin, Bordeaux l’est désormais aussi pour son association Dies Irae (Jour de colère) au QG installé à l’église Saint-Eloi. Dans un documentaire en caméra cachée diffusé sur France 2, on voit que c’est bien à une organisation fasciste radicale plus qu’à une association cultuelle catholique traditionaliste que l’on a affaire. Proposant à ses militants formations physiques et débats sur une guerre civile raciste (étude des Cahiers de Turner3) l’association développe un discours antisémite, complotiste, nostalgique de Pétain et du franquisme. Se revendiquant d’un militantisme local « enraciné », elle n’est pas isolée : elle travaille en réseau avec d’autres structures en France comme Vox Populi à Tours ou le MAS à Paris.
Rebond antifasciste
L’apparition à l’été 2009 du Forum étudiant dans ce climat déjà bien délétère a motivé la volonté de leur opposer une réponse coordonnée. Parti des facs, un collectif informel de militants politiques et syndicaux s’est rapidement mis en place, profitant des anciens réseaux antifas des années 1990 et des nouveaux réseaux militants étudiants.
Il a d’abord fallu se réapproprier les murs de la fac, souillés plusieurs fois de tags racistes et nationalistes (« La fac aux français ») et informer par nos tracts. Il a ensuite fallu faire apparaître un mouvement antifasciste dans toute la ville, par notre présence systématique sous forme de contre-rassemblements face à chaque manifestation de l’extrême droite.
Une des preuves de la vitalité de cette dynamique antifasciste a été la mobilisation pro-choix du 29 mai 2010. En réponse à une initiative anti-avortement de l’association « Oui à la vie » et toute la nébuleuse de Saint-Éloi, un appel unitaire allant des socialistes aux anarchistes a été lancé pour défendre le libre choix et le droit des femmes à disposer de leur corps. Finalement près de 3 000 personnes ont manifesté pour le droit à l’avortement et contre les intégristes catholiques, leur empêchant tout mouvement dans le centre-ville de Bordeaux.
Sur cet élan, la même volonté s’affirme contre une messe annuelle contre l’avortement qui aura lieu prochainement. De plus la mise en place d’une coordination des collectifs antifascistes du sud-ouest est à l’œuvre, afin de répondre et de combattre plus efficacement et massivement l’extrême droite dans la région.
Julian et Antoine Sindelar
1. Source : blog du Monde, Droite(s) Extrême(s), 25 janvier 2010.
2. Structure nationaliste réunissant toute la jeunesse étudiante bordelaise de diverses organisations d’extrême droite.
3. Roman raciste étatsunien de 1978 racontant une guerre civile raciste renversant le gouvernement des États-Unis et menant à l’extermination des juifs et « non-blancs ».