Publié le Lundi 17 janvier 2011 à 20h47.

L’ « affaire PPDA ». Un cas de plagiat et ce qu’il révèle

Ce n’est ni la première fois qu’un journaliste dominant est accusé ou convaincu de plagiat ni la première fois que PPDA se trouve embarqué dans une histoire douteuse. Analyse d’un cas exemplaire et de ce qu’il révèle du fonctionnement des grands médias. L’Express a dévoilé, dans un article paru le 4 janvier, un cas flagrant de plagiat mettant en cause Patrick Poivre d’Arvor, dit PPDA, qui a été le présentateur du journal télévisé de TF1 pendant plus de vingt ans. Pour écrire son livre sur Hemingway, qui devait paraître le 19 janvier, PPDA aurait pioché dans une biographie écrite par Peter Griffin en 1985 non seulement des anecdotes mais des passages entiers, grossièrement modifiés pour masquer le vol. Selon l’auteur de l’article, Jérôme Dupuis, les « emprunts » cumulés représenteraient près d’une centaine de pages de l’ouvrage de PPDA. Il peut être instructif de rappeler quelques jalons de la carrière de PPDA, homme de médias et de pouvoir. En décembre 1991, une manipulation lui a permis d’accroître à peu de frais son crédit de journaliste proche des « grands » de ce monde en laissant croire, grâce à un habile montage d’extraits d’une conférence de presse, qu’il avait personnellement interviewé Fidel Castro. Plus grave, il a été condamné, en 1996, pour recel d’abus de biens sociaux, dans le cadre de l’« affaire Botton ». Homme d’affaires impliqué dans diverses magouilles, Pierre Botton arrosait de cadeaux variés des membres de l’élite médiatico-politique, dont PPDA, pour servir son beau-père Michel Noir, député de Lyon, dans son ascension politique. Devant l’ampleur du scandale, la chaîne de Bouygues a dû suspendre son journaliste vedette durant trois mois. Quant à sa carrière d’écrivain, un article publié par Acrimed1 rappelle que PPDA est l’auteur de plus de 60 ouvrages en 30 ans. Cette écriture en quantité industrielle  laisse pantois et fait peser de sérieux doutes sur la contribution véritable du journaliste. Ainsi PPDA a-t-il été maintes fois accusé de recourir à des « nègres » et « PPDA » de n’être qu’une marque derrière laquelle se dissimule une entreprise collective spécialisée dans la production de livres aussi vite oubliés qu’écrits. On peut s’étonner de voir un journaliste expérimenté tel que PPDA recourir de manière aussi visible au plagiat, pratique déshonorante qui contrevient aux règles minimales d’honnêteté intellectuelle. Pour le comprendre, il faut sans doute invoquer l’impunité médiatique dont plusieurs tenanciers des grands médias ont bénéficié après avoir été pris la main dans le sac. On pense ici à Alain Minc, Jacques Attali ou Thierry Ardisson. Ils n’ont jamais été mis en demeure de s’expliquer dans les médias et continuent, pour les deux premiers, à être invités régulièrement en tant qu’ « experts » ou, pour le troisième, à présenter des talk-shows. Entre retours d’ascenseur et connivences spontanées, ils ont ainsi pu continuer comme si de rien n’était à exercer cette forme particulièrement pernicieuse de pouvoir de prescription intellectuelle et culturelle que leur assure l’omniprésence sur les écrans, sur les ondes ou dans la presse écrite. Rien ne laisse présager qu’il en sera différemment concernant PPDA. Léo Carvalho1. « Dix mauvais plagiats valent plus qu’un bon livre, par PPDA et ses éditeurs », www.acrimed.org/article3514.html