Sorti en France le lendemain de la journée internationale des droits des femmes, le film de Nigel Cole, We Want Sex Equality, met en scène un combat toujours d’actualité : l’égalité salariale entre hommes et femmes.Tout commence à l’usine Ford de Dagenham, en juin 1968 : 55 000 ouvriers, 187 ouvrières, qui travaillent à l’assemblage des housses de sièges automobiles. À la suite de la révision des grilles salariales de l’usine, qui leur attribuent le statut de travailleur non qualifié, ces femmes décident de se mettre grève pour faire reconnaître leur qualification et exiger le salaire qui va avec. La vie en rose ?Dès la première scène, le spectateur est plongé dans l’ambiance de cette banlieue ouvrière anglaise de la fin des années 1960. Par un matin ensoleillé, les vélos et les chignons crêpés arrivent à l’usine, parmi maris et collègues. L’ambiance est bonne et paraît même légère jusqu’à l’arrivée dans l’atelier des femmes. Peu de lumière, très grosse chaleur et le bruit assourdissant des machines à coudre industrielles. Ce début de journée est rapidement interrompu par l’arrivée cocasse d’un représentant syndical masculin. Le bilan est rapide, la direction ne veut rien entendre. Après une courte AG, la grève est votée à l’unanimité ! À la grande surprise des ouvrières elles-mêmes, car personne ne pense qu’elles peuvent cesser le travail. Le cœur du film est là. Désormais, les femmes sont les actrices principales d’une grève de longue haleine, où la lutte syndicale devient aussi une lutte politique pour l’égalité entre les sexes, car, pour reprendre cette citation de Marx utilisée par un délégué syndical, « le progrès social se mesure exactement à la position des femmes dans la société »1. L’art de la grèveLoin de la caricature, le film expose les problématiques auxquelles étaient et sont encore confrontées les femmes de la classe ouvrière. Leurs adversaires sont partout : patronat, cadres syndicaux, ouvriers et maris ! Tout est bon pour tenter de les faire céder : depuis les pressions sur le syndicat jusqu’au chantage à la délocalisation (déjà en 1968 !). Face à la « politique des petits pas » défendue par les syndicalistes masculins, et aux différentes tentatives de briser le mouvement, les ouvrières de Dagenham ont affiché une détermination à toute épreuve qui a conduit à l’adoption de la première loi sur l’égalité salariale en Grande-Bretagne, en 1970. L’insertion d’images d’archives, en donnant de la profondeur historique au film, permet de mesurer l’ampleur des obstacles qu’il leur a fallu surmonter. Aussi, bien plus que la simple adaptation d’une expérience ouvrière particulière, ce film, riche par les problématiques qu’il présente, met en scène la construction d’un mouvement de grève, étape par étape, avec ses pièges, ses résignations et ses victoires. We Want Sex Equality est donc bien plus qu’un bon film sur une belle page de l’histoire ouvrière : il nous rappelle que la classe laborieuse est composée d’hommes et de femmes, et qu’il ne saurait y avoir d’émancipation sociale réelle sans libération des femmes ! Martha Jane et Henri Clément