Le monde arabe est en train de s’embraser, même s’il serait faux de penser que les situations sont identiques dans tous les pays. Les régimes tremblent, mais leur solidité, même relative, est variable. L’impérialisme ne peut se permettre un basculement total de la région, à plus forte raison si ces processus débouchent sur une remise en cause – même partielle – des politiques néolibérales, du contrôle des ressources naturelles, de la pérennité des bases militaires étrangères et du statu quo avec l’État d’Israël. Ce qui se joue dans les révolutions en cours, si elles réalisent des percées concrètes sur le terrain social et démocratique, c’est la possibilité d’un début de rupture avec l’ordre capitaliste mondial, et donc d’un affaiblissement stratégique de l’impérialisme, alors que celui-ci connaît la plus grave crise de l’après Deuxième Guerre mondiale.
De telles avancées concrètes joueraient un rôle de catalyseur dans la durée, au-delà des rythmes propres et des résultats spécifiques des confrontations dans chaque pays. Le caractère anti-impérialiste des révolutions en cours est largement ancré dans les traditions politiques de lutte du peuple égyptien, confronté en première ligne à la question palestinienne et à la dépendance par rapport aux États-Unis. Le sentiment de dignité nationale qui soulève les peuples arabes est aussi intimement lié à leur refus d’accepter le statu quo avec Israël. Il est incontestable que la résolution des revendications sociales des pays concernés nécessitera des ruptures profondes avec les politiques dictées par les institutions internationales, les États du « centre » et les multinationales. Il n’est d’ailleurs pas exclu que ces « leçons d’arabe » soient comprises par un certain nombre de pays de la Méditerranée, par les maillons faibles de l’Europe impérialiste, voire au-delà.
C’est à partir de là qu’il faut penser nos tâches de « solidarité ». L’enjeu est de combattre nos propres impérialismes et de défendre la radi-calité exprimée et les exigences portées par le mouvement populaire. Les axes d’une solidarité révolutionnaire et internationaliste peuvent s’articuler autour de différents points : annulation des dettes contractées par les dictatures ; restitution de leurs avoirs aux peuples ; rupture des accords de libre-échange ; dénonciation des pactes sécuritaires et militaires ; révélation des complicités patronales avec les affaires des dictatures ; droit des peuples à se réapproprier (à nationaliser) les entreprises et leurs ressources ; refus de toute ingérence impérialiste dans les processus en cours ; soutien aux luttes populaires contre la répression des gouvernements de transition. Cela implique aussi que nous renforcions nos liens avec les secteurs les plus avancés des révolutions en marche.
Nous devons nous engager à soutenir jus-qu’au bout les processus révolutionnaires qui contribuent à modifier les rapports de forces à l’échelle mondiale ; à aider concrètement les courants anticapitalistes et à expliquer inlassablement qu’il n’y a pas d’exception révolutionnaire arabe et que la seule voie pour mettre fin à la dictature du capital, y compris dans nos pays, repose sur des soulèvements populaires et démocratiques où les opprimés et exploités, femmes et hommes, comptent sur leurs propres forces. La bataille ne fait que commencer.
Commission Maghreb du NPA