Cela semble simple : il s’agit de fournir massivement de l’électricité bon marché pour le bien-être des populations… Mais considérer les choses ainsi, c’est favoriser la fuite en avant vers plus de production, de consommation, de gaspillage et de déchets. Répondre aux besoins énergétiques des populations, c’est donner la priorité aux économies d’énergie et à la sobriété, dans le cadre d’un indispensable service public de l’énergie.
Les avantages très relatifs du nucléaire
1. Le coût réel de l’énergie produite
L’argument qui est toujours avancé, notamment par les opérateurs, c’est le prix peu élevé du kWh. Mais c’est sans compter les budgets investis pour la construction des centrales. En réalité, ce kwh censé être si peu cher, on le paye deux fois : une fois avec nos impôts (et là on paye beaucoup) et une fois au moment de recevoir la facture.
Il faut par ailleurs tenir compte des dépassements des devis initiaux de construction (EPR de Flamanville) et des coûts de mise en service.
S’ajoutent à cela le coût de retraitement et de gestion/transport des déchets, de désactivation et de démantèlement des centrales le moment venu, sans compter les coûts annexes : les dispositifs de sécurité en cas d’incident et les énormes enveloppes, avantages et taxes professionnelles largement répandus afin de faciliter l’acceptation par les populations locales et l’implantation.
2. Cette industrie produit sans rejeter de gaz à effet de serre ?
Cet argument, qui depuis l’accélération de la crise climatique est dans la bouche de tous les nucléocrates, est partiellement erroné, car il ne prend en compte que le moment de production et non le bilan carbone des activités liées au fonctionnement du réacteur (l’extraction du minerai, les milliers de tonnes de CO2 générées par la construction d’une centrale, le transport, etc.). Or, suivant l’origine de l’uranium, une centrale nucléaire allemande génère entre 31 et 61g de CO2 par kwh produit ; en comparaison, l’éolien génère 23g/kwh et l’hydraulique 39 g/kwh.
(cf : www.amisdelaterre.org/Le…)
Les trop nombreux désavantages…
1. Des désavantages écologiques
• Les centrales rejettent des produits chimiques (zinc, phosphore, sodium, sulfates, chlorures, cuivre...), en dépassant parfois les seuils autorisés, jusqu’à quatre fois.
• L’extraction d’uranium, en particulier dans les pays africains, se fait dans des conditions désastreuses, créant des montagnes de déchets radioactifs et polluant ainsi un environnement dans lequel travaillent des milliers de travailleurs et leurs familles.
• Le transport et le stockage des déchets posent de nombreux problèmes.
• Les réserves d’uranium ne sont pas indéfinies et s’épuisent.
• Les risques de catastrophes sont toujours bien réels (rappelons-nous Tchernobyl… C’était le 26 avril 1986).
2. Des désavantages sociaux
• Le nucléaire a conduit à développer de façon toujours croissante la consommation d’électricité. Dans les immeubles et les logements sociaux, EDF a toujours fait en sorte que le chauffage électrique soit la principale source de chauffage, afin d’offrir des débouchés pérennes à l’industrie électro-nucléaire. Alors qu’il faut être suffisamment solvable pour investir dans les énergies renouvelables, le chauffage électrique a toujours été la seule solution pour les populations les plus pauvres. Et tant pis pour eux quand ils ne peuvent pas payer !
• Les choix urbanistiques et d’aménagement des petites villes ou des villages ont créé une situation de gaspillage puisque rien n’a été conçu de façon collective, provoquant d’importantes pertes énergétiques.
3. Des risques géopolitiques
• Le nucléaire ne sert pas seulement à nous éclairer. Il est aussi nécessaire pour la réalisation de certaines armes. Or, comme pour d’autres ressources, on assiste à un trafic d’uranium, soit mafieux soit plus officiel, Mais cela ne concerne pas seulement la question de l’armement. Ainsi, les déchets nucléaires font toujours l’objet de trafics, souvent au vu et au su des États, qui laissent faire ou qui les organisent.
4. Et tout le reste
• Le nucléaire accapare quasiment tous les budgets, notamment ceux de la recherche, au détriment des autres sources d’énergie et ce depuis des décennies.
• Le nucléaire est très dépendant des variations de température et incapable de s’adapter aux changements rapides. Par exemple, lors des hivers un peu froids, le nucléaire ne peut répondre aux pics de consommation électrique, ce qui oblige la France à acheter son électricité à l’étranger.
• La volonté de relancer le nucléaire donne la priorité à un système centralisateur de production électrique qui n’a de sens que du point de vue des grandes entreprises, avec obligation de lignes à très haute tension, ce qui crée d’importantes pertes en ligne, et empêche sciemment la mise en place d’unités de production plus petites et plus localisées permettant un contrôle des usagers et des salariés.
Enfin, notons que le maintien et le développement du nucléaire ne sont pas que du domaine civil, et qu’ils ont également à voir avec le maintien de la force de frappe nucléaire de la France, qui souhaite garder son statut de puissance nucléaire, engloutissant ainsi des millions d’euros.
L’EPR est présenté comme une troisième génération alors qu’il n’apporte pas grand chose de plus par rapport à l’actuelle seconde génération. Il n’est ni sûr, ni fiable, ni propre, ni rentable.
Le développement d’énergies alternatives décentralisées, émettant peu ou pas de gaz à effet de serre, permettrait d’égaler ou de surpasser la capacité de production du nucléaire, tout en créant beaucoup plus d’emplois, et des emplois pérennes de surcroît ; c’est ce que montrent un certain nombre d’études, notamment celle réalisée à propos de la Normandie qui prouve qu’avec l’argent englouti par l’EPR, il serait possible de produire autant d’énergie et créer 15 fois plus d’emplois (voir Un courant alternatif pour le grand ouest : www.sortirdunucleaire.or….
La question posée est celle du contrôle de l’humanité sur ses ressources. L’énergie doit être l’affaire de toutes et tous !
L’EPR en Europe et dans le monde
Le nucléaire reste une source d’énergie marginale au niveau mondial, assurant environ 7 % de la production d’énergie et 16 % de celle d’électricité.
Une hypothèse moyenne envisage la construction d’une centaine d’EPR dans le monde sur une période de vingt ans.
C’est aux États-Unis, à la fin des années 1990, que les industriels du secteur se sont regroupés, les gros dévorant les petits, et que les procédures et réglementations ont été fortement réduites.
Une fois le nucléaire étasunien en ligne de bataille, les autres nations ont emboîté le pas ! Les autres pays développent leur puissance nucléaire, principalement le continent asiatique, et certains comme la Chine ou l’Inde ont d’énormes besoins énergétiques.
En Europe, les situations sont très contrastées :
La France, promoteur de l’EPR, est évidemment pour ! La Hongrie qui ne possède qu’une centrale, aussi.
Le choix de l’énergie nucléaire a été remis en cause dans un certain nombre de pays qui sous la pression de leur opinion publique, s’étaient engagés à fermer plus ou moins progressivement leurs réacteurs .
La Grande-Bretagne, qui avait arrêté son programme nucléaire après avoir découvert du pétrole en Mer du Nord, s’est déclarée prête à réviser ses positions. Tout récemment EDF a même demandé au gouvernement britannique de baisser ses objectifs en énergies renouvelables, notamment éolienne, afin de ne pas compromettre la construction de ses réacteurs EPR !
L’Allemagne a pris la décision début 2002 d’abandonner le nucléaire à l’horizon de 2020, mais le lobby nucléaire espère voir prolonger les durées de vie des centrales et pouvoir construire de nouveaux réacteurs. De son côté, le gouvernement Merkel tente de revenir sur les décisions prises antérieurement et la fin du nucléaire n’est pas encore scellée en Allemagne.
La Belgique n’a pas encore tranché. La loi de 2003 prévoit la fermeture et le démantèlement « sauf cas de force majeure ».
L’Espagne a adopté un moratoire et ne construit plus de nouvelles centrales depuis 25 ans.
L’Italie, 22 ans après avoir renoncé au nucléaire suite à la catastrophe en Ukraine, va se doter de nouvelles centrales…
La Suède, qui s’était prononcée en 1980 en faveur de la fermeture de tous ses réacteurs, est partagée : une coalition de centre-droit a déclaré revenir, malgré une catastrophe évitée de justesse à la mi-2006, sur la décision de fermeture progressive des dix réacteurs que comporte le pays et l’opposition vient d’annoncer son intention de supprimer progressivement le nucléaire si elle arrive au pouvoir en 2010.
La Suisse avait un moratoire sur la construction de centrales mais il n’a pas été reconduit.
Les Pays-Bas ont changé d’avis et prolongent la durée du vie de leur centrale.
La Norvège maintient sa position antinucléaire mais des voix s’y font entendre pour vanter la construction de centrales au thorium.
L’Autriche, le Danemark, l’Irlande et la Grèce sont contre.
Malgré tout : 12 % seulement des Européen(ne)s sont pour le développement de l’énergie nucléaire.