Éditions Libertalia, 2024, 272 pages, 10 euros.
Alors que tout le monde connaît désormais Missak et Mélinée Manouchian après leur panthéonisation le 21 février 2024, beaucoup moins de personnes connaissent l’histoire de la MOE (main-d’œuvre étrangère) qui deviendra la MOI (main-d’œuvre immigrée) puis FTP-MOI.
Unir les prolétaires de tous les pays
Après la boucherie de la Première Guerre mondiale qui a causé la mort de plus d’un million d’hommes, jeunes pour la plupart, ainsi que des milliers d’invalides, la France a besoin de main-d’œuvre pour faire tourner les usines et reconstruire le pays. L’État fait appel à des immigréEs qui arrivent de toute l’Europe fuyant le fascisme, pogroms et génocide, régimes autoritaires mais aussi la famine. La CGTU dans un premier temps, puis le PCF, aident et organisent cette main-d’œuvre étrangère (MOE) pour unir les prolétaires de tous les pays et lutter contre la xénophobie ambiante. C’est d’ailleurs pour cette raison que le PCF souhaite substituer le terme « immigrée » à « étrangère » jugé moins connoté à l’époque, MOE devenant alors MOI.
Dimitri Manessis et Jean Vigreux reviennent sur l’organisation dès 1920 de ces immigréEs italiens, polonais, arméniens, espagnols qui pour certains intègreront en 1942 les FTP (Francs-tireurs et partisans) pour conduire des groupes de guérilla urbaine (assassinats de responsables nazis et de collabos, pose de bombes, déraillement de trains…) un peu partout en France et lutter contre l’occupant nazi.
Une force essentielle dans la Résistance
C’est un livre passionnant qui s’appuie sur de nombreuses sources et archives (du PCF, de la police, avec l’accès désormais possible à celles du Komintern…) et qui montre à quel point les travailleurEs immigréEs ont été une force essentielle dans la Résistance et qu’en plus des 23 martyrs du groupe Manouchian-Boczov fusillés le 21 février 1944 au Mont-Valérien, ils et elles sont nombreux à avoir été traqués, torturés, déportés, guillotinés ou fusillés.
Il est très utile de raconter cette histoire surtout en ces temps de montée de racisme et de xénophobie, parce que « résister se conjugue toujours au présent », comme le disait Lucie Aubrac citée dans les dernières pages du livre.
À lire aussi leur précédent livre sur Rino Della Negra, jeune footballeur du Red Star qui intégra les FTP-MOI du groupe de Manouchian : Rino Della Negra, footballeur et partisan, toujours aux éditions Libertalia.
Béatrice Walylo