Lorsque l’on met en perspective le film de Von Trotta, qui relate l’immense scandale suscité en 1961 par les articles de la philosophe Hannah Arendt sur le procès d’Adolf Eichmann, avec tous les faits appris et prouvés depuis cette date sur la complicité de l’impérialisme américain avec le génocide nazi, on ne peut s’empêcher de penser « que de bruit pour rien ». On aurait tort !D’une part, la théorie de la « banalité du mal » qu’inspira la personnalité d’Eichmann à Arendt n’a jamais eu autant d’actualité.
Les « médiocres » qui obéissent aux ordres de l’autorité sans arrière-pensée et se hissent ainsi dans la plus haute hiérarchie sont l’ossature de toutes les sociétés, totalitaires ou non. D’autre part, la collaboration des autorités de peuples opprimés avec leurs bourreaux est également un fait avéré. Dans les années 60, dévoiler cette complicité relevait presque du crime d’État contre la communauté juive, l’État d’Israël et les démocrates américains. Hannah le paiera très cher et la communauté intellectuelle pratiquera une politique de l’isolement à son égard.
Mais Hannah Arendt ne cédera pas contre le conformisme et les pressions d’où qu’elles viennent. Pour elle, il s’agit de défendre la liberté de penser et de s’exprimer tout en continuant sa bataille contre le totalitarisme. Des flash-back sur la liaison d’Hannah avec le grand philosophe allemand Heidegger, qui abdiqua lui cette liberté en adhérant au parti et à une partie de l’idéologie nazie, est bienvenue pour le rappeler. Une projection dans les années 2000 de la « banalité du mal » en Israël aurait été un plus pour étayer les arguments.
En conclusion, un film instructif, bien qu’un peu lourd dans sa démonstration. L’exposition de théories philosophiques au cinéma sont tellement rares qu’on pardonnera cette faiblesse à Margarethe Von Trotta.
Sylvain Cachi
Cinéma : Hannah Arendt, de Margarethe Von TrottaAvec Barbara Sukowa, Axel Milberg, Janet Mc Teer. Sortie le mercredi 24 avril