Publié le Mercredi 30 novembre 2022 à 16h55.

La terreur féministe : petit éloge du féminisme extrémiste, d’Irene

Éditions Divergences, 128 pages, 14 euros. Vient de sortir en poche (Points, 112 pages, 6,90 euros).

Irene, jeune militante basque espagnole et française, se qualifie comme féministe extrémiste. Son essai d’une centaine de pages commence sur les réactions hostiles ou apeurées dans la presse de droite ou d’extrême droite concernant les luttes féministes, d’où le titre. À partir de là, elle discute d’une réponse courante, peut-être un peu trop défensive, comme quoi le « féminisme n’a jamais tué personne » contrairement au « machisme qui tue tous les jours ».

Légitime défense

En fait, le « féminisme » a déjà tué, même si c’est en état de totale légitime défense, dans des situations de survie. Irene raconte quelques histoires dramatiques, en Espagne, en France, en Amérique latine, de femmes battues par leurs maris durant des décennies et qui ont fini par le tuer, une manière radicale de régler le problème certes mais parce qu’il n’y en avait pas d’autres. Le problème est ici posé de ces femmes laissées seules, sans défense, sans aide, face à la violence de la domination masculine, face au pouvoir d’hommes, à leur brutalité, sans possibilité de justice, à part, au bout du bout, de la rendre soi-même.

Mais la « violence » du féminisme ne comprend pas seulement des actes de survie individuelle. Le mouvement féministe n’est pas seulement pacifiste. Il a aussi été violent, il est important de le rappeler, et comme toute lutte contre les oppressions, des formes radicales, « extrémistes » ou violentes sont une nécessité. Car c’est ainsi que les oppriméEs se font entendre des oppresseurs, se font craindre surtout.

Le précédent des « suffragettes »

Même si la lutte pacifique est une méthode importante et qui peut être efficace, il n’y a aucune raison de refuser les stratégies plus violentes. Irene cite l’exemple de la lutte en Angleterre au début du 20e siècle, pour le droit de vote des femmes. Les militantes « suffragettes » ont utilisé plusieurs formes de luttes, d’abord pacifiques, en intervenant dans les meetings, en diffusant des tracts… Un mouvement radical qui, face à l’absence de réponse du pouvoir, va organiser des coups d’éclat, des actions fortes en brisant des vitrines, en incendiant des locaux, en agressant même des politiciens. Emeline Pankhurst et ses camarades de lutte, malgré la répression, les amendes et la prison, vont pendant quelques années organiser un mouvement de révolte qui finira par payer. Elles obtiendront le droit de vote pour toutes une dizaine d’années plus tard.

Une violence nécessaire

Alors oui la violence des oppriméEs est utile et même nécessaire. En vrai, il n’y a pas vraiment le choix, dans une société violente, face aux dominations de classe ou de genre, face aux oppressions, à l’exploitation, aux injustices nombreuses, la dignité et le respect des dominéEs, exploitéEs, oppriméEs, la survie tout simplement, passent par la révolte, qu’elle soit individuelle ou collective, organisée ou pas, c’est comme on peut.

C’est en pleine actualité de violences faites aux femmes, de reculs des droits à l’avortement, de surexploitation des femmes avec la précarisation notamment, mais aussi au moment d’un mouvement féministe dynamique et radical, que le livre d’Irene discute d’un aspect important de la lutte politique pour l’émancipation et l’égalité des droits, à savoir ­légitimer l’arme de la violence.