Publié le Samedi 13 septembre 2025 à 11h00.

Le temps des salauds. Comment le fascisme devient réel, de Hugues Jallon

Éditions Divergences, 5 septembre 2025, 108 pages, 12 euros.

«Le fascisme, ça commence avec les fous, ça se réalise grâce aux salauds et ça continue à cause des cons. » Mais quelle est la différence entre un fou, un salaud et un con ? Dans cet ouvrage, l’auteur explique comment la vision du premier, par les manœuvres du second, se rend petit à petit raisonnable dans l’esprit du dernier.

De l’omniprésence du salaud dans les médias

« L’opportuniste est un con. Le salaud, lui, sait parfaitement ce qu’il fait. » Le salaud louvoie, manipule, entretient l’ambiguïté. Il fait le malin sur les plateaux, joue avec la sémantique dans les communiqués, reste à dessein toujours sur le fil. Lorsque le fondateur du FN meurt, le salaud pèse soigneusement ses mots, mais rend hommage quand même. Qu’il soit chroniqueur, politicien, homme d’affaires milliardaire, le salaud aime à s’écouter, et encore plus à se faire entendre. En jouant sur des fantasmes anxiogènes, il façonne l’opinion publique comme il le souhaite. C’est une nécessité : en favorisant les intérêts privés — sous couvert de lutter pour l’intérêt public —, le fascisme, ou tout du moins la détestation de l’antifascisme, sert sa cause.

De la croisade du salaud contre l’affreux « wokiste »

« Un bon moyen de rendre le fascisme réel est de porter tous ses coups contre l’antifascisme […]. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour savoir qu’en choisissant ses adversaires, on finit par choisir par défaut ses alliés. Et qu’on travaille à leur succès. » Quand « extrêmes » est toujours employé au pluriel, on induit que le racisme et l’antiracisme sont aussi nuisibles l’un que l’autre, que la xénophobie des premiers vaut le « grand remplacement » qui nous attend avec les seconds, et que, de deux maux, le moindre n’est peut-être pas celui qu’on croit. Quitte à être féministe, on saluera donc le combat d’un groupe identitaire dont certaines militantes sont issues de milieux néonazis plutôt que celles qui mettent en avant l’intersectionnalité des luttes. Quitte à se pencher sur le système éducatif, on pointera du doigt le port de l’abaya plutôt que le manque de moyens. Et on affirmera bien fort que nos trois priorités sont « rétablir l’ordre, rétablir l’ordre, rétablir l’ordre ! »

Alors que la menace d’une victoire de l’extrême droite pèse sur chaque élection et que nombre de ses propositions se fraient déjà un chemin dans nos textes de loi, Le temps des salauds cherche à faire tomber les masques. Un texte très accessible, à défaut d’être très porteur d’espoir…

Cyrielle L. A.