Éditions Amsterdam, 2024, 240 pages, 19 euros.
Voici un livre précieux qui remet de la réflexion là où les gouvernements successifs n’ont cherché qu’à cultiver les haines racistes. Avec Macron, la répression s’abat de plus en plus durement contre les étrangerEs, les musulmanEs ou supposés tels, les migrantEs. En même temps qu’est développée une « police de la pensée et du vocabulaire » contre leurs soutiens. Afin aussi de nous diviser et de nous détourner de la lutte indispensable contre les inégalités sociales et la remise en cause des droits. C’est ce qui s’appelle un racisme d’État à ne pas confondre avec les États racistes.
Le racisme d’État
Ce concept, énoncé par Michel Foucault en 1976, décrit un racisme qui vient du sommet d’un État, le plus souvent « démocratique », pour imprégner toute la société. Cela passe par la construction de l’ennemi intérieur. Le visage de celui-ci change selon les époques mais les méthodes restent les mêmes : diffuser la confusion et la peur, à coups de mensonges, d’inversion des responsabilités, de mépris. Olivier Le Cour Grandmaison cite l’invention de « la République juive » entre les deux guerres, le harcèlement permanent des Gens du voyage et des Roms ou encore la supposée dangerosité des personnes condamnées à la clandestinité ou vivant dans les quartiers populaires.
Aujourd’hui, ce qui est également mis en avant c’est l’idée qu’il y aurait un risque de djihad en France, de guerre civile. D’où la profusion de décrets et lois, dont celle sur le séparatisme, mis en application avec zèle par les différentes administrations, notamment par la police et la justice. Expérimentées dans les colonies, ces législations d’exception et ces pratiques autoritaires ont été imposées en métropole aux immigréEs puis à leurs descendantEs. Ainsi des contrôles illégaux au faciès, du recours à l’état d’urgence et au couvre-feu dans les quartiers populaires pour mater les révoltes légitimes. En voulant satisfaire des fractions de l’électorat et certains syndicats policiers, en élevant la lutte contre l’islamisme au rang de priorité nationale, le gouvernement fait la part belle aux idées identitaires de l’extrême droite, notamment celles sur le « grand remplacement » et le « péril migratoire ». Et construit une cohérence redoutable entre une partie de la droite et l’extrême droite. L’auteur insiste sur le rôle délétère de la presse aux ordres qui « nationalise les haines de manière constante et prégnante » et sur la responsabilité de certains universitaires dans la montée des idées réactionnaires et fascisantes.
L’État raciste
Pour délétère et dangereuse que soit la situation en France, l’État n’est pas pour autant un État raciste. L’État raciste est un État autoritaire qui impose une ségrégation spatiale et une inégalité totale des droits entre les populations, vise à détruire les civilisations des minorités et pratique apartheid et génocide. Les exemples historiques cités sont l’apartheid en Afrique du Sud, la ségrégation totale aux États-Unis entre les Blancs et les NoirEs, le meurtre des autochtones indiens. « L’État raciste absolu c’est l’Allemagne nazie » qui organise le génocide des Juifs, des Roms et des Slaves. La colonisation de la Palestine par Israël qui conduit aujourd’hui à un apartheid et à une politique génocidaire des PalestinienNEs permet de définir Israël comme un État raciste.
Ce livre clair et nécessaire est un appel pour un antiracisme politique, engagé dans le combat pour l’égalité et la justice sociale avec toutes les victimes du racisme. Intéressant son rappel de la lutte exemplaire des migrantEs occupant l’église Saint-Bernard. Voici des personnes, sans papiers, sans droits, sans voix qui entrent en résistance, pensent et s’organisent en tant que sujets politiques. Elles créent l’évènement, un vrai scandale pour le gouvernement, qui a développé une violence démesurée lors de leur expulsion. Mais cette lutte a inspiré des milliers de sans-papiers et leurs soutiens pour recommencer des mobilisations d’ampleur. Tant qu’il le faudra !
Roseline Vachetta