Publié le Mercredi 9 novembre 2022 à 10h22.

Travailler, la grande affaire de l’humanité, de James Suzman

Editions Flammarion, 471 pages, 23,90 euros.

James Suzman a écrit un livre qui se lit comme un roman et qui fait vaciller les certitudes. Cet anthropologue britannique a longtemps vécu parmi les derniers peuples de chasseurs-cueilleurs de Namibie, les Ju/’hoansi (ou Jul’hõasi). Il a été étonné de constater que leur vie était beaucoup moins dure et moins faite d’aléas qu’il ne l’imaginait.

Pas plus de 17 heures de travail par semaine

Il estime en effet qu’il y a déjà plus de 300 000 ans les chasseurs-­cueilleurs ne passaient pas plus de 15 à 17 h par semaine à rechercher leur nourriture. Y compris dans un environnement aussi aride que le désert du Kalahari, en Afrique australe.

James Suzman remonte aux origines de l’humanité pour expliquer pourquoi le travail alimente autant aujourd’hui nos valeurs politiques et morales et comment il façonne nos perspectives d’avenir. Le travail est pourtant loin d’avoir eu ce rôle primordial pour les premiers homo sapiens.

Plus de travail pour les agriculteurs que pour les chasseurs-cueilleurs

La recherche de l’énergie est présentée comme primordiale, à l’instar de la découverte du feu — une véritable révolution —, qu’il fait remonter à plus d’un million d’années.

Des premiers outils aux pyramides et aux mégalithes de Stonehenge en passant par le travail du tisserin, cet oiseau qui peut construire et déconstruire jusqu’à 158 des 160 nids très sophistiqués qu’il a construits, James Suzman ébranle nos croyances sur le travail.

Et si le travail ne répondait, pour les êtres vivants dont l’humanité fait partie, qu’à la nécessité de dépenser de l’énergie ? Et si le passage de l’humanité à l’agriculture n’était que le fruit du hasard et des changements climatiques ? Et non la volonté consciente de se mettre à l’abri des pénuries. À ce sujet, l’auteur explique que « les études montrent non seulement que les premiers agriculteurs devaient travailler beaucoup plus dur que les chasseurs-cueilleurs, mais aussi que les bénéfices qu’ils tiraient de ces efforts supplémentaires étaient souvent, au mieux, minimes ».

S’émanciper du travail pour répondre au changement climatique

Pour Suzman la révolution industrielle, qu’il préfère appeler « révolution des combustibles fossiles », qui est en train de laisser place à l’émergence de l’intelligence artificielle, met l’humanité devant un problème qui cette fois-ci est vital. Celui du basculement climatique.

Il convoque Durkheim, Keynes (qui prédisait la semaine de travail à 15 h) et Marx pour nous aider à trouver notre chemin et à nous émanciper du travail comme source d’oppression.

Les trois dernières lignes de son livre nous interrogent : « Pourquoi nous contentons-nous de laisser le marché récompenser ceux qui jouent des rôles souvent inutiles voire parasites, au détriment de ceux que nous reconnaissons comme essentiels ? » Un livre passionnant !