Publié le Mercredi 7 septembre 2022 à 12h26.

Trois textes courts pour la rentrée

Compte tenu du peu de temps que nous laisse la rentrée (sociale ?), une proposition de trois textes courts (et peu onéreux) pour entretenir la forme !

Pour une télé libre, contre Bolloré, de Julia Cagé

Seuil Libelle, 96 pages. 4,50 euros.

C’est rondement mené, comme le veut cette collection. L’auteure commence par régler son compte à Bolloré, ainsi qu’à celle et ceux qui ont laissé faire, avec à la clé son emblématique créature, l’effet Z ! De l’impuissance du CSA à la méthode Bolloré, ou comment laisser un capitaliste prédateur s’emparer d’un bien public au service d’intérêts privés — ce qui est leur règle — dans le domaine politique — ce qui est interdit !

Julia Cagé rappelle ici avec force que, dans le domaine de la télévision, dès lors que les fréquences leur sont attribuées gratuitement, les opérateurs devraient être redevables (contraints !) en termes de pluralisme interne, à savoir au sein de chacune des chaînes attribuées, y compris Cnews, TF1 et consorts.

La seconde partie de l’essai évoque la régulation que l’auteure appelle de ses vœux, évoquant notamment l’exemple de la fusion éventuelle entre TF1 et M6. L’analyse est plus technique et les solutions proposées moins convaincantes, en l’absence d’un large mouvement social associant les professionnelEs et les usagerEs... auquel cet ouvrage pourrait inciter à réfléchir et à travailler...

Ce qui ne peut être volé, Charte du Verstohlen, de Cynthia Fleury et Antoine Fenoglio

Tract Gallimard, 48 pages, 4,90 euros.

Comme un tract, c’est le principe, voici un texte court qui en dit long. Ce qui ne peut être volé, ici, serait presque ce qui devrait nous être restitué, à la condition de s’en occuper, collectivement, au plus près de notre vie et de la façon — à inventer — d’en prendre soin. Il peut s’agir, dans sa vie, d’accéder à une vue (un horizon), de bénéficier du silence, du droit de passer sous les radars, d’être furtif (échapper à la traçabilité), mais aussi d’imposer un droit à expérimenter, dans la perspective de modifier la norme à partir de la réalité vécue, enquêtée, et attestée...

Un texte exigeant, difficile d’accès... mais qu’il vaut la peine de fouiller, de lire et de relire pour en explorer le message très en prise sur les réalités actuelles de nos luttes.

Une bonne manière de l’aborder plus aisément, c’est de regarder la vidéo de Cynthia Fleury, invitée sur France Culture1… et de relire ensuite le livre !

Misogynie, de Claire Keegan

Sabine Wespieser éditeur, 64 pages. 8 euros.

Percutant, ce texte très court expose de manière quasiment clinique le sexisme ordinaire au sein du couple. Bien sûr, lectrice, lecteur, nous allons aimer ce texte et en apprécier la force, nous allons adhérer à l’implacable dénonciation, au fil des mots... Mais n’allons-nous pas ensuite, lectrice, lecteur, (surtout lecteur, non ?) n’allons-nous pas déployer des trésors de dialectique pour clamer que, bien entendu, c’est comme ça chez les autres, que c’est chez les autres que c’est comme cela... Et si ces pages, en les lisant avec soin, en décelant les petits écueils qui sommeillent en nous, fournissaient à la lectrice, au lecteur (au lecteur surtout, non ?) une occasion de balayer devant sa porte ?