Le 4 octobre 2011, un communiqué a annoncé le démantèlement de la banque Dexia pour éviter sa faillite.Sa situation est significative des turpitudes et des impasses du capitalisme et souligne la nécessité de mesures radicales pour soustraire le crédit et la monnaie aux intérêts du capital.
Il existait en France un organisme public chargé des prêts aux collectivités (communes, départements...) pour financer leurs équipements lourds : la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales (CAECL). Cela correspondait donc à un circuit de financement particulier non soumis au marché. En 1987, dans le cadre du mouvement de libéralisation et de privatisation, la CAECL est transformée en banque et l’aventure financière commence : ouverture d’une succursale américaine (1990), introduction du capital en Bourse (1991), fusion avec le Crédit communal de Belgique (1996) sous le nom de Dexia, expansion tous azimuts à travers le monde.
L’activité du groupe se concentre sur la banque de détail et commerciale en Europe, la banque du secteur public en France et la gestion financière. Aux collectivités territoriales et aux établissements publics, Dexia propose d’abandonner les emprunts à taux fixes au profit de formules de prêts à taux variables : parfois avantageuses au départ, elles comportent des mécanismes de revalorisation des taux qui peuvent s’avérer des pièges. C’est le cas, désormais connu, des prêts dont le taux d’intérêt est lié au Franc suisse.
L’État sauve Dexia une première fois sans conditions
En septembre 2008, Dexia était sous pression en raison des difficultés de sa filiale américaine FSA (directement impliquée dans la diffusion des titres à risque liés aux subprimes) et de liens avec divers organismes financiers fragilisés. Son action s’effondre et une agence de notation dégrade sa note lui rendant plus difficile de se refinancer. Dexia demande alors un soutien aux États français et belge. Ce sauvetage, sans conditions, comprend une injection de capital de 6,4 milliards d’euros (3 milliards d’euros chacune pour la Belgique et la France et 400 millions pour le Luxembourg) et une garantie d’État pouvant atteindre 150 milliards pour lui permettre d’obtenir des financements. Dexia engage ensuite un processus de restructuration et de redéploiement de ses activités. Et, en apparence, sa situation s’améliore. En 2010 et en juillet 2011, elle passe avec succès les stress tests (organisés pour apprécier la solidité des banques). Ses dirigeants s’accordent des rémunérations somptueuses. En novembre 2008, le salaire annuel du nouveau président du comité de direction, Pierre Mariani, a été fixé à un million d’euros de fixe et 2,25 millions d’euros de bonus et, en avril 2009, avant d’avoir exercé la moindre activité chez Dexia, le nouveau directeur financier a reçu 500 000 euros de prime d’arrivée.
Dexia replonge, l’État s’apprête à payer une deuxième fois
Libération du 21 septembre titre : Dexia, la banque qui a ruiné 5 000 communes. À partir de documents internes de la banque, le quotidien souligne que les emprunts faits par les collectivités territoriales auprès de la banque engendreront des surcoûts estimés à 3,9 milliards d’euros en 2009. Cela concerne aussi les centres hospitaliers publics comme le démontre le syndicat Sud-Santé sociaux du Nord-Pas-de-Calais.
Avec l’accentuation de la crise de la zone euro et les incertitudes sur les banques, les doutes se répandent à nouveau sur la qualité des actifs : son portefeuille comporte notamment 21 milliards d’euros de dettes de pays européens (Grèce, Portugal, Italie) dont la solvabilité est aujourd’hui mise en doute. Le cours de l’action s’effondre. Cette fois-ci, c’est la fin. Et l’État est de nouveau appelé à la rescousse.
La banque va être découpée en morceaux. Ce qui est rentable va être vendu. L’État belge nationalise moyennant 4 milliards d’euros les activités de banque des particuliers en Belgique. Les actifs les plus risqués seront regroupés dans une structure particulière (« bad bank ») bénéficiant de la garantie des États français et belge pour 90 milliards d’euros au total. Le portefeuille de Dexia des crédits aux collectivités locales (environ 70 milliards dont une partie risque de pas être intégralement remboursée) devrait passer à la Caisse des dépôts et consignations créant un risque pour cet organisme qui centralise les fonds provenant de l’épargne (notamment le livret A) et qui est parmi les plus sûrs du système financier français parce que son statut ne permet pas toutes les aventures. Une nouvelle banque des collectivités locales sera créée reprenant le portefeuille de prêts à ces collectivités ; la Banque postale et la Caisse des dépôts y joueraient aussi un rôle essentiel (on appréciera le tête à queue : la CAECL était gérée par la Caisse des dépôts).
Dexia, une affaire emblématique
L’affaire Dexia montre que les banquiers entendent que la société apporte en permanence sa contribution à leur salut. Et les dirigeants capitalistes européens s’apprêtent à recommencer à travers les opérations de recapitalisation bancaire en discussion.
Face à cela, il faut avancer l’exigence de la mise du système bancaire dans son intégralité au service de la société, ce qui passe par sa nationalisation sans indemnité ni rachat, avec garantie des dépôts des détenteurs petits et moyens. Cela permettrait la réorganisation du système bancaire au service d’un projet de transformation sociale et écologique. Et également la mise en place de structures de contrôle et de direction adaptées à cet objectif et évitant les errements des anciennes banques nationalisées, comme le Crédit lyonnais.