Avec l’ordonnance sur la « prévisibilité et la sécurisation des relations sociales », les patrons ont à leur disposition une palette d’outils pour gérer une force de travail de plus en large… et de moins en moins contraignante.
Le plafonnement des indemnités gagnées sur contestation d’un licenciement abusif, indépendamment du préjudice et à des niveaux très inférieurs aux minima antérieurs a été la mesure la plus médiatisée. Mais elle suppose que l’on puisse franchir la porte des prud’hommes et y gagner… Or les obligation de motivation des licenciements ont elles-mêmes été allégées : la lettre de licenciement est réduite à un formulaire avec des rubriques à remplir. Le patron peut compléter cette motivation une fois la lettre envoyée, là où auparavant le premier jet fixait les bornes du litige. Et si le salarié ne demande pas poliment au patron de préciser sa pensée avant d’agir en justice, l’insuffisance de motivation ne sera plus réellement sanctionnée, car le salarié ne pourra être dédommagé pour cette erreur qu’à hauteur d’un mois de salaire contre six auparavant.
Une attention particulière a été portée au traitement des suppressions d’emploi et des restructurations d’entreprise, avec un nouvelle réforme du motif économique de licenciement et la création de l’accord de rupture conventionnelle collective (RCC). Le gouvernement a en effet tiré plusieurs conclusions :
- D’abord, du fait que les tribunaux continuaient à apprécier le motif économique des réorganisations ou fermetures au niveau du groupe. Cela n’avait certes pas empêché des boîtes comme Molex ou Continental de fermer des usines, mais au moins avaient-elles dû passer à la caisse après leur condamnation en justice.
- Ensuite, des incertitudes juridiques touchant les « plans de départs volontaires », qu’aucun texte ne définit, et que les tribunaux entourent d’exigences différentes selon la formule choisie par l’employeur (avec ou sans nombre de départs prédéfinis ; avec rupture amiable du contrat de travail ou licenciement), notamment sur la réalité du motif économique et les obligations de reclassement internes intégrées au plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
- Enfin, du succès de la rupture conventionnelle du CDI (près de 1,2 million de ruptures conventionnelles homologuées sur la période 2015-2017). Quand bien même, selon une étude du Centre d’étude sur l’emploi, une sur trois serait contrainte par l’employeur, les contestations sont rarissimes. Mais il subsiste un obstacle de taille : l’interdiction d’utiliser la rupture conventionnelle dans le cadre d’un PSE.
La fin des « tracas »
La RCC met fin de manière radicale à ces tracas. Le choix est fait, sous l’apparence du libre consentement, d’agir à la source en supprimant à la fois le motif économique (c’est le principe de la rupture conventionnelle) et le PSE, l’employeur pouvant se contenter de financer des mesures d’accompagnement vers la sortie sans reclassement interne. Terminées également les longueurs de procédure du CE, le recours à un expert, la priorité de réembauchage... rien n’interdira à un employeur de réembaucher juste après, ce qui ouvre la voie aux pires manœuvres discriminatoires.
Le couvert d’un accord majoritaire obligatoire pour la mise en œuvre d’une RCC s’avère déjà bien illusoire. Sitôt la RCC rejetée en janvier dernier, Pimkie n’a pas eu de peine à faire signer un accord de méthode pour un plan de départs volontaires. Le patronat fait bouger le curseur de la lutte : le plan social apparaît désormais comme un moindre mal par rapport à la RCC !
Mais ce serait oublier que le gouvernement s’est affairé de ce côté en révisant le motif économique (désormais des seules filiales nationales d’un groupe international même s’il fait des profits), les obligations de reclassement (l’envoi de la liste des postes disponibles suffit) ou les critères de choix des personnes à licencier. La contestation individuelle de la rupture du contrat de travail sera tout aussi vaine sauf à apporter la preuve du caractère frauduleux de l’opération, évidemment impossible tant que les livres de compte resteront secrets.
Cyniquement, les textes sur la RCC précisent bien qu’elle doit être adossée à un objectif de suppressions d’emplois. Une manière d’avouer que malgré le caractère soi-disant amiable de la rupture du contrat de travail, c’est bien le patron qui décide. Le mot d’ordre d’interdiction des licenciements prend un sens encore plus aigu : celui d’en finir avec un pouvoir patronal que Macron-Jupiter voudrait rendre de droit divin.
Comité Inspection du Travail