À la veille du 8 mars, journée internationale des luttes de femmes, la plupart des candidatEs développaient leurs propositions en faveur de l’égalité femmes-hommes. L’électorat féminin reste toujours un enjeu électoral important. Pourtant on constate depuis cette date un grand silence, du moins au niveau des grands médias. Il faut donc chercher sur Internet pour trouver les propositions et ce n’est pas toujours très simple.
Repartons de ce meeting parisien organisé le 7 mars par les « féministes en mouvement », collectif unitaire créé en juin 2011, à l’initiative d’Osez le féminisme, association proche de la « gauche » du PS, à l’initiative de la campagne contre la complaisance des politiciens et des médias à l’égard de DSK et le mépris affiché à l’égard de la victime présumée Nafissatou Diallo en 2011.
Plus de 1000 personnes au Cabaret La Cigale à Paris et des dizaines d’autres contraintes de rester dehors faute de place, pour écouter les candidatEs.
À part la droite qui n’avait pas daigné se déplacer, tous les candidats de la gauche (ou presque) étaient là et la confrontation était digne d’intérêt.
Mélenchon pour des mesures féministes et lutte de classe !
Le premier à se présenter est J.-L. Mélenchon, très à l’aise pour développer une partie de son programme concernant l’égalité entre femmes et hommes. La veille à Rouen où il a rassemblé 15 000 personnes, il a déjà consacré une grande partie de son discours à ce thème. La première question d’Osez le Féminisme porte sur la création d’un ministère des Droits des femmes. Il y est favorable mais insiste sur l’importance de la volonté politique d’un gouvernement de faire avancer cette question. Pour lui, ce n’est pas l’essentiel car il se propose, en tant que nouveau président, de prendre son stylo et de décréter tout simplement la hausse du Smic à 1 700 euros, or les femmes seraient les premières à en bénéficier, car elles sont les plus nombreuses parmi la population précarisée et à bas salaire. C’est comme une « question de classe » que Mélenchon aborde l’oppression des femmes. Si les femmes sont si mal traitées, c’est d’abord parce qu’elles sont partie prenante de cette classe exploitée. Il s’en prendra au Front national qui met en cause le remboursement de l’IVG et parle « d’IVG de confort » ou propose tout simplement un salaire « parental » destiné à encourager le retour au foyer des femmes. À la question de savoir s’il acceptera de participer à un gouvernement de gauche avec le PS pour mettre en pratique ses propositions, il répond non, car une orientation qui proposerait une politique d’austérité, fut-elle de « gauche », serait contraire à son orientation.
En toute objectivité, le programme du Front de Gauche est le plus détaillé concernant l’égalité femmes-hommes. Sur ce plan, il partage la plupart des revendications de la gauche radicale : égalité professionnelle, hausse du Smic, réduction du temps de travail avec embauche correspondante ; contre le travail précaire et le temps partiel imposé, « le CDI doit être la règle » ; « revaloriser les métiers féminisés » ; régularisation des travailleuses sans papiers ; un statut d’autonomie pour les femmes migrantes ; créer dans chaque entreprise une commission « avec obligation de résultat, chargée de contrôler l’égalité véritable des femmes sur tous les plans ; retour de la retraite à 60 ans à taux plein, avec l’abrogation de la réforme Woerth, des lois Fillon et des décrets Balladur-Veil ». Concernant la petite enfance, le Front de Gauche se prononce pour « un vaste plan crèches » avec la création de 500 000 places publiques d’accueil pour les enfants de 0 à 3 ans et l’institution « d’un droit à l’accueil gratuit des jeunes enfants par un personnel qualifié et la création d’un service public unique d’accueil de la petite enfance » ; contre la perte d’autonomie, le Front de Gauche défend « la création d’un service public pour le 3e et 4e âge réparti sur tout le territoire ».
Concernant le droit à l’IVG et à la contraception ou le droit d’accoucher dans de bonnes conditions, il propose notamment « d’instaurer le remboursement de tous les moyens de contraception et de faire respecter l’application de la loi : un centre IVG dans chaque hôpital », « de restaurer une offre de soins de proximité en ouvrant des maternités accessibles dans tous les départements », d’abroger la loi HPST, les ARS et la tarification à l’activité, etc.
Le Front de Gauche se déclare également en faveur d’une série de mesures pour assurer l’égalité des droits devant l’union et la parentalité, quelle que soit l’orientation sexuelle et de la reconnaissance des droits pour les « trans ».
Contre les violences faites aux femmes, il soutient les propositions des associations du mouvement féministe pour une loi-cadre, la régularisation ou le statut de réfugié pour toutes les femmes étrangères victimes de violences et pour celles qui demandent un droit d’asile parce qu’elles subissent des violences « sexistes, sexuelles et lesbophobes ».
Enfin, il se prononce pour l’abolition de la prostitution et pour des mesures de prévention et une politique « alternative » à la prostitution ; pour l’abrogation du délit de racolage et la mise en œuvre d’une politique de pénalisation du client.
Contrairement à d’autres, le Front de Gauche explicite son programme en matière de laïcité. « Nous réaffirmons le bien-fondé et l’actualité de la loi de 1905 sur la laïcité. Toutes les modifications ultérieures […] seront abrogées. Pour nous cette loi fondamentale de la République a vocation à s’appliquer à tout le territoire national ». Réaffirmant tout financement des religions par des fonds publics, il refuse « tout reconnaissance publique des religions », formulation très ambiguë.
Le NPA est globalement d’accord avec l’ensemble de ces propositions, sauf sur trois points.
Refuser le financement public des religions ou la promotion des religions est une chose, mais peut-on interdire à des personnes croyantes adultes de porter publiquement des signes religieux, dans la rue ou quand elles sont usagères de services publics ? Certainement non. Même si nous considérons que les autorités religieuses ont toujours consolidé l’oppression des femmes, nous étions clairement contre la loi interdisant la burqa dans les rues, loi portant atteinte à la liberté religieuse et au droit de circuler librement.
La majorité du NPA et de sa commission féministe est hostile à la pénalisation des clients des personnes prostituées. S’il faut encourager toutes les politiques alternatives à la prostitution, il faut lutter contre toutes les mesures qui peuvent accentuer la répression des prostituéEs ; or la pénalisation des clients dans le contexte sécuritaire actuel ne peut qu’être récupérée par la droite et l’extrême droite ou servir d’alibi à une gauche peut encline à développer une politique audacieuse en matière d’emploi, qui, elle, coûte cher !
Enfin, Jean-Luc Mélenchon a déclaré récemment qu’il pensait pouvoir représenter toute la gauche dès le premier tour et en cas de victoire au deuxième tour, former un futur gouvernement avec le PS, avec qui, bien sûr, « il faudra faire des concessions ». Outre le côté mégalo du scénario, on peut s’interroger sur ces futures concessions !
Avant la douche froide de Hollande, une Eva Joly bien timide !
Dans cette salle toute acquise ou presque au PS et ses alliés, Eva Joly arrive sur scène saluée par la salle. La personne d’Eva Joly et son parcours professionnel suscitent le respect mais concernant les droits des femmes, son programme est un peu court.
Comme la plupart des candidats interrogés, E. Joly se déclare féministe. Elle préconise la mise en place d’un ministère « de l’Égalité entre les femmes et les hommes ». Elle s’engage à lutter pour l’égalité salariale et à pénaliser les entreprises (suppression de subventions, d’exonérations ou de marchés publics) qui ne respecteraient pas l’égalité professionnelle ; à faire rembourser à 100 % la contraception et l’IVG, à rouvrir les centres d’IVG fermés ; elle est favorable au développement de logements d’urgence pour les femmes victimes de violences et pour une loi-cadre contre les violences. Enfin, elle insiste longuement sur la lutte contre les stéréotypes de genre. Concernant la prostitution, elle est pour son abolition et contre « la pénalisation des clients » par crainte de faire entrer un peu plus la prostitution dans la clandestinité, etc. Sifflets dans la salle ! Pour faire passer la pilule, elle explique que c’est une question difficile, encore en discussion dans les rangs de son mouvement. Ce qui est le plus marquant dans son discours ou ailleurs c’est l’absence de toute référence à la hausse du Smic, à une baisse du temps de travail importante ou au développement massif des services publics, pourtant indispensables à tout projet « d’émancipation ». Mais l’alliance avec le PS n’est certainement pas pour rien dans ces points aveugles.
François Hollande s’est fait attendre mais enfin il arrive. Interrogé sans complaisance par l’animatrice sur le caractère flou de ses propositions, il précise son engagement à créer un ministère des Droits des femmes, à développer la parité notamment dans son gouvernement et se lance dans un rappel historique de tous les « mérites » des gouvernements de gauche précédents, oubliant au passage qu’il avait fallu la mobilisation des féministes, y compris des militantes du PS, pour obtenir le remboursement de l’avortement en 1982. Quand Monique Dental le relance sur le nombre de crèches qu’il entend créer, il fait une déclaration solennelle qui jette un froid dans la salle : il rappelle qu’il créera 60 000 postes dans l’Éducation nationale dont une partie servira pour les maternelles. Pour le reste, il ne peut pas s’engager : « que diriez-vous, ajoute-t-il, si je me présentais, cinq ans plus tard, sans avoir pu honorer mes promesses » ! Au moins c’est clair, les féministes n’ont plus d’illusions à se faire. Il ne se prononce pas non plus pour la régularisation des travailleuses sans papiers mais se lance dans un hommage dégoulinant de paternalisme à ces femmes « qui se dévouent pour l’intégration de leurs enfants ».
Une ovation pour Philippe Poutou
Pour conclure son intervention, Hollande se lève et appelle à ses côtés Yvette Roudy : elle insiste quant à elle, sur « la nécessité de pourchasser ceux qui exercent des violences contre les femmes dans les rues et […] les banlieues » ! sifflets dans la salle qui se vide à moitié, après le départ de Hollande et de la plupart des journalistes.
Poutou est le dernier à être interrogé. Son style modeste et direct suscite la sympathie. Interrogé sur la laïcité, il affirme sans hésitation que le NPA est contre « toutes les religions » (formule un peu abrupte) mais qu’il est contre également le racisme qui touche les musulmans en particulier. Il se prononce contre la précarité et les réformes des retraites, pour un Smic à 1700 euros et pour l’égalité salariale et professionnelle entre « hommes et femmes », remous dans la salle, il se reprend « entre femmes et hommes ». Pour le développement des services publics et le remboursement à 100 % de l’IVG et de la contraception, pour une loi-cadre contre les violences faites aux femmes, toutes choses qui figurent dans le programme d’urgence sociale du candidat. S’il est pour une baisse radicale du temps de travail, il n’y fait qu’une brève allusion. Poutou n’est pas de ceux qui chauffent les salles mais il se paie un franc succès quand il conclut son intervention en rappelant que les « voyous, on les trouve dans toutes les classes sociales et que l’un des plus grands d’entre eux s’appelle DSK, qui a failli devenir président de la République ».
On peut regretter néanmoins que le féminisme et la défense des droits des femmes soit si peu visibles sur le site de la campagne du NPA. Il aura fallu attendre la sortie de la brochure du candidat pour trouver expliciter quelques-unes des mesures pour « l’égalité des droits » entre les femmes et les hommes, homos et hétéros et la reconnaissance des droits des « trans ». o
Josette Trat