Publié le Jeudi 12 janvier 2023 à 18h00.

« En deux ans, l’association MaMaMa a pu aider plus de 70 000 femmes et enfants en Île-de-France »

Entretien. L’association MaMaMa de Saint-Denis (93) apporte aux mères isolées et à leurs enfants une aide matérielle et morale. Créé en 2020 pendant le premier confinement, elle suit aujourd’hui des centaines de femmes précaires dans toute l’Île-de-France, grâce au travail de ses 11 salariéEs et ses centaines de bénévoles. L’Anticapitaliste est allé les rencontrer en fin d’année. Entretien avec Inès, secrétaire de l’association et bénévole.

Comment l’association est-elle née ?

Les quatre fondatrices étaient toutes engagées soit en tant que bénévoles dans la cellule COVIDOM, soit à la Croix-Rouge. L’une d’elles est toujours pédiatre. En discutant avec les patientEs, elles se sont rendu compte que les personnes n’étaient pas très malades mais souffraient d’isolement et de précarité, accrue par la crise. Il s’agissait surtout de femmes qui n’avaient plus rien pour nourrir leur bébé, pour acheter des couches parce qu’elles avaient avant des métiers précaires comme femme de ménage et ces métiers s’étaient arrêtés complètement pendant les confinements. Elles ont décidé d’aider ces femmes, et cela a pris beaucoup d’ampleur très vite. Elles ont contacté des entreprises pour avoir des produits à distribuer et de grandes entreprises de l’agro-alimentaire ont fait des dons. Il a fallu trouver un local, car il y avait des produits à stocker. L’ancienne municipalité de Saint-Denis, de Laurent Russier, a mis à disposition un premier local à l’association. Tout s’est développé très vite car l’alimentation des enfants est un angle mort de l’aide alimentaire. Peu d’associations la prennent en charge : les produits sont chers, ne se périment pas, sont spécifiques et dépendent de l’âge des enfants. Les services publics n’ont pas de ligne budgétaire dédiée, alors que l’alimentation des jeunes enfants est un enjeu de santé publique.

À l’issue du confinement, contrairement à d’autres structures vous avez donc continué et même développé votre activité…

La crise a révélé le besoin structurel d’aide aux familles spécifiquement, mais il existait déjà, et il existe après. En Île-de-france, on estime qu’il y a 50 000 enfants en situation de mal-nutrition ou au moins dépendants de l’aide alimentaire notamment les enfants en bas âge. Il a fallu réfléchir à des moyens de distribuer les produits de différentes façons. On accueille les femmes sur place et sur rendez-vous avec leurs enfants. On essaie d’avoir un temps d’échange long et de les accompagner au cours de ce rendez-vous. On distribue aussi des colis dans les PMI, dans 150 centres de santé en Île-de-France qu’on livre. Des assistantes sociales viennent aussi récupérer des produits. Comme on a réussi à lier ces partenariats avec des grandes entreprises de la petite enfance, qu’on travaille beaucoup pour obtenir ces produits, il arrive qu’on ait des produits en grande quantité et qu’on en redistribue à d’autres associations.

En quelques chiffres, peux-tu nous donner une idée de ce qu’est l’association, de l’aide qu’elle apporte et qui elle soutient ?

Chez MaMaMa, on est une équipe de 11 salariées, dont deux alternants qui travaillent à différents postes : logistique, accueil des bénéficiaires, recherche de partenariat, de mécénat et de fonds, lancement de projets, comme par exemple une usine de petits pots en chantier de réinsertion. Deux jeunes femmes qui ont fait des études d’agro-alimentaire travaillent sur ce projet. Il y a aussi 8 jeunes en service civique qui travaillent à l’accueil des familles, à l’entrepôt, au tri. Moi j’étais en service civique avant et j’ai développé de nombreuses compétences. C’est ça qui est formidable chez MaMaMa ! Environ 40 bénévoles, qui sont d’anciennes bénéficiaires, viennent régulièrement, quasi quotidiennement pour certaines d’entre elles. Depuis la création de l’association, plus de 1 000 personnes nous ont aidées ne serait-ce qu’une fois en participant à des collectes ou en faisant du tri. C’est grâce à cette équipe au travail de toutEs qu’en deux ans, on a pu aider plus de 70 000 femmes et enfants en Île-de-France, mais aussi à la frontière ukrainienne et en Moldavie où on a mené une mission en avril dernier et où on continue d’envoyer des produits quand on en a l’occasion parce qu’on a tissé des liens avec des associations féministes locales. Aujourd’hui, 5 000 femmes sont en liste d’attente pour notre dispositif de rendez-vous en direct. Nous recevons un peu moins de 800 personnes chaque mois, et nous ne pouvons faire plus. On n’a pas de solution pour tout le monde.

Travaillez-vous avec des associations de soutien aux femmes ? Le Planning familial, la Maison des femmes…

On a déjà eu l’occasion de rencontrer le Planning familial. On travaille avec la Maison des femmes depuis le début. Quand on repère des femmes victimes de violences sexuelles ou des excisions, on les oriente vers la Maison des femmes. En retour, certaines femmes suivies à la Maison des femmes viennent chez MaMaMa en parcours de bénévolat inclusif, de réinsertion. On construit des projets avec de grosses associations comme Action contre la faim avec qui on a mené une enquête sur les besoins de nos bénéficiaires. On travaille aussi avec des associations locales et notre dispositif s’appelle le MaMaMaClub.

Les activités de MaMaMa sont menacées par la décision de la mairie et de la communauté d’agglomération à propos de l’entrepôt où vous menez votre action...

L’entrepôt appartient à la SEM Plaine Commune Développement qui est une société d’économie mixte, dont les actionnaires sont les maires des villes de Plaine Commune. Ils sont décisionnaires. Au départ, l’entrepôt avait été mis à disposition gratuitement dans une convention pendant le long entre-deux tours des municipales de 2020. Ensuite, en juin, Mathieu Hanotin et son équipe ont été éluEs. Ils ont d’abord confirmé que les conventions d’occupation seraient renouvelées, ont apporté leur soutien à l’action des associations et ont remarqué notre travail. Puis, les relations se sont tendues. On a rencontré des difficultés à renouveler nos conventions d’occupation. En décembre 2021, le maire nous a demandé de payer 18 000 euros de loyer par mois (soit plus de 200 000 euros par an), ce qui n’était pas imaginable pour une association comme la nôtre. De façon dissimulée cela revenait à mettre l’association à la porte et à lui faire cesser ses activités. On a compris aussi que l’entrepôt avait été promis à l’oral à d’autres associations de Saint-Denis qui avaient soutenu la campagne de Mathieu Hanotin, et dont certains responsables étaient même élus sur sa liste. Ces responsables associatifs s’estimaient plus légitimes que nous à occuper l’entrepôt. Et puis c’est devenu plus violent. Ces personnes sont même allées jusqu’à venir intimider des bénévoles, souvent de très jeunes femmes, voire à nous agresser. La mairie en a été informée sans donner suite. Nous avons porté plainte. Pourtant, nos agresseurs ont toujours accès au local. Nos relations se sont encore tendues avec la mairie qui désormais nous donne comme seul interlocuteur la SEM Plaine Commune Développement, qui nous réclame toujours 18 000 euros de loyer.

Avez-vous des échéances judiciaires bientôt ?

Le 13 janvier, nous sommes assignées en référé en vue d’une expulsion. Soit la décision est prise tout de suite et on devra trouver une solution en urgence, soit la décision nous permettra d’avoir du temps et on pourra chercher un local adapté, ce que nous faisons déjà. Pour nous soutenir et soutenir nos actions, il y aussi une pétition en ligne, et on peut nous suivre sur les réseaux sociaux.

Propos recueillis par Cathy Billard

Pour plus d’informations sur l’Association, voir aussi l’émission de l’Anticapitaliste : youtube.com/watch?v=yNElM-wL6r4

 

Le maire de Saint-Denis avait mis à disposition de MaMaMa un entrepôt pour lequel il lui demande désormais un loyer de 18000 euros par mois. Cela revient à mettre l’association à la porte et à lui faire cesser ses activités. L’association, qui refuse de payer, est assignée en référé en vue d’une expulsion.

Pour soutenir l’action des bénévoles, rendez-vous le vendredi 13 janvier à 9 heures au tribunal de Bobigny, 1 prom. Jean-Rostand, Bobigny (métro 5 – Pablo Picasso)

https://www.asso-mamama.fr/

Pour signer la pétition : https://www.mesopinions.com/petition/social/sauvons-association-mamama/191268