À peine sorties de la marginalité politique, à la faveur de Mai 68, la gauche radicale et l’extrême gauche révolutionnaire ont été confrontées, quatre ans plus tard, avec la signature du programme commun et la constitution de l’union de la gauche, à un véritable défi.
Comment caractériser le projet de l’union de la gauche ? Comment, face aux pressions, conserver son indépendance politique ? Comment organiser la défiance… sans pour autant heurter de front l’aspiration unitaire des travailleurs et des couches populaires ? Ces questions – et les différentes réponses que l’on peut y apporter – susciteront bien des débats jusqu’en 1981… et même après. Entre la dénonciation sectaire et impuissante d’un côté et l’opportunisme débouchant sur la satellisation de l’autre, à l’évidence la voie était étroite…
Le Parti socialiste unifié (PSU)
D’emblée, la formation d’inspiration autogestionnaire se situe en marge de l’union de la gauche. En particulier, elle n’est pas signataire du programme commun. Autour de Michel Rocard, la droite du parti dénonce son « maximalisme revendicatif » et son « irréalisme » économique. Les courants de gauche partagent globalement les critiques formulées par l’extrême gauche. Les uns comme les autres critiquent le caractère jacobin, centralisateur et étatique du programme commun.
Puis, en 1974, Rocard rejoint le PS. Et, au cours des années suivantes, les directions successives du PSU adhèrent au PS, mais sans jamais réussir à y entraîner la majorité des militants.
En 1981, le PSU présente une candidate, Huguette Bouchardeau, au premier tour de l’élection présidentielle. Elle recueille 1,1 % des voix. Après l’élection de François Mitterrand, elle devient ministre de l’Écologie du gouvernement Mauroy.
Lutte ouvrière (LO)
LO a dénoncé la nature strictement réformiste du programme commun et la volonté de marginaliser le PCF qui se cache derrière la stratégie du PS et l’union de la gauche. LO consacre une partie importante de ses explications au rappel du passé politique, il est vrai peu reluisant, de Mitterrand qui fut notamment ministre de la Justice en pleine guerre d’Algérie.
Elle le martèle avec constance : les travailleurs n’ont rien à attendre de l’élection d’un tel individu ! Au premier tour de la présidentielle, Arlette Laguiller recueille 2,3 % des suffrages.
Radicale dans son opposition au programme commun, Lutte ouvrière n’est pas pour autant insensible à l’état d’esprit populaire. Les semaines précédant le second tour, des slogans sans ambiguïté barrent la première page de son hebdomadaire. D’abord : « le 10 mai, les travailleurs doivent voter Mitterrand ». Et, la veille de l’élection : « le 10 mai, sans illusion mais sans réserve, VOTONS MITTERRAND ».
L’Organisation communiste internationaliste (OCI)
Lointain ancêtre du POI (Parti ouvrier indépendant), l’OCI se distingue des autres organisations d’extrême gauche de l’époque par un soutien à peine critique au Parti socialiste et à François Mitterrand. Ainsi, elle ne se contente pas de dénoncer la politique de la direction du PCF, ce que font aussi à leur manière Lutte ouvrière et la LCR : elle va jusqu’à fustiger la candidature de Georges Marchais comme une « candidature de division », légitimant ainsi le diktat du « vote utile » au détriment du pluralisme.
L’OCI appelle à voter pour Mitterrand dès le premier tour de la présidentielle.
La Ligue communiste révolutionnaire (LCR)
Dans la semaine qui suit la signature du programme commun, la LCR sort une brochure intitulée Quand ils seront ministres… qui dénonce tout à la fois le réformisme de l’union de la gauche et le piège qui va se refermer sur le PCF.
En 1977, face à la montée de l’union de la gauche et pour montrer la possibilité d’une véritable alternative, la LCR présente aux élections municipales des listes unitaires – avec Lutte ouvrière et l’Organisation communiste des travailleurs (OCT) – qui réalisent de bons résultats dans plusieurs grandes villes. Mais cette démarche ne connaîtra aucun prolongement.
Après la rupture de l’union de la gauche, la LCR mène campagne sur le thème « Chasser Giscard ! », insistant à la fois sur l’importance des mobilisations sociales sans attendre les élections et sur la nécessité d’un engagement réciproque de tous les candidats de gauche à se désister en faveur du mieux placé au premier tour. Elle participe également à la campagne de signatures de l’appel « Union dans les luttes » – initié par deux intellectuels, l’un communiste (Guy Bois), l’autre socialiste (Stellio Farandjis) – qui tente de donner un cadre politique critique aux aspirations unitaires qui se manifestent alors parmi les militants de gauche.
La LCR ne parvient pas à recueillir les 500 parrainages de maires requis pour présenter Alain Krivine à l’élection présidentielle. Au premier tour, elle appelle à voter indistinctement pour les quatre candidats de gauche : Bouchardeau, Laguiller, Marchais et Mitterrand.
Pour le second tour, Rouge – hebdomadaire de la LCR – titre : « VOTEZ MITTERRAND pour chasser Giscard ».