Une « conférence de la société civile » a eu lieu samedi 15 juin. Elle propose une feuille de route pour la sortie de crise, en se voulant une réponse au mouvement populaire. Mais il n’y a pas de sortie crise possible dans le cadre du système.
La conférence est la rencontre de deux composantes principales : les syndicats autonomes comme la CSA, et des organisations comme La ligue des droits de l’homme, des associations. Mais elles sont intervenues sans concertation avec le monde du travail, dans les écoles, les hôpitaux, les lieux qu’elles sont censées représenter.
Une conférence pas liée au mouvement réel
Il y a des associations variées, d’agitation, des associations de victimes du terrorisme, de femmes. Une soixantaine d’associations, mais ce sont beaucoup plus de sigles que des organisations avec une implantation et une influence réelles dans le mouvement, qui n’est pas structuré par les organisations. D’ailleurs, une bonne partie d’entre elles ne participent pas aux mobilisations du vendredi.
Il y a deux courants essentiels : le premier se projette dans une élection présidentielle, le second est plutôt favorable à une Constituante. Mais, comme elles n’ont pas trouvé de consensus, elles se sont mises d’accord pour un gouvernement transitoire, et une instance indépendante pour organiser des élections. On parle aussi d’un présidium de trois personnes.
Il y en a déjà eu des démarches de ce genre, qui péchaient par le même défaut : elles s’adressent au régime pour proposer un dialogue, une issue à sa crise. La conférence propose d’ailleurs une « initiative consensuelle ». Elle ne reprend pas le mot d’ordre que le peuple se donne chaque vendredi : le départ du système tout entier.
Il s’agit de fait de proposer une porte de sortie au système, avec une élection présidentielle plus transparente, ignorant le fait que le peuple est ruiné, que les pauvres s’appauvrissent et que les riches s’enrichissent.
Dans le même temps, des grèves sont réprimées, des détenus d’opinion sont retenus depuis janvier, dont beaucoup de jeunes, sans réaction des organisations qui proposent une transition. Aucun dialogue n’est possible avec ce régime qui bafoue les libertés démocratiques… C’est pour cela qu’un collectif contre la répression a été mis en place. Il se développe dans les Wilayas. Mais ses banderoles ont été confisquées vendredi, au nom d’un pseudo droit du contrôle de la police sur le contenu des banderoles, les confisque parce qu’elles porteraient atteinte à une institution républicaine comme la police ou l’armée !
Remettre vraiment en cause le système
Nous devons transformer la majorité sociale actuellement en mouvement en majorité politique. Il s’agit de remettre en cause les racines du système, le régime néolibéral qui est à l’origine de la corruption. Celle-ci est issue de la privatisation du secteur public, de la politique de soumission aux multinationales. La revendication essentielle du mouvement, c’est la souveraineté populaire, sur les richesses, sur les politiques économiques et sociales.
Toute initiative qui ne s’inscrit pas dans un processus constituant, basé sur l’auto-organisation des masses pour contrôler ce processus, ne peut être une rupture avec le système.
La démarche de la conférence, c’est une issue électorale, par une présidentielle, sans toucher aux politiques libérales qui sont à l’origine de la dérive monarchique de Bouteflika. Il ne peut pas y avoir de démocratie dans un pays comme l’Algérie si le pouvoir économique est aux mains de la bourgeoisie : le libéralisme dans les pays du sud ne peut en effet s’imposer que par la dictature, par la remise en cause des droits démocratiques, syndicaux, d’organisation que le peuple peut utiliser pour résister à la misère sociale.
En finir avec les symboles du système pour poursuivre le mouvement
Le mouvement ne se laissera pas piéger par ce type d’initiatives, elles sont tellement détachées de la radicalité du mouvement populaire qu’elles n’auront pas de légitimité pour le contenir, en tous cas beaucoup moins que la chaleur de l’été qui suit ce mois de Ramadan !
Gaïd Salah va intervenir lundi, il n’est pas intervenu depuis 20 jours. Il est acculé, car tout le monde sait qu’il était un pilier du régime Bouteflika.
Les manifestations de vendredi montrent une mobilisation maintenue, avec des centaines de milliers à Alger, des dizaines de milliers à Bejaïa et dans toutes les Wilayas, y compris dans le Sud, malgré la chaleur, malgré les arrestations. Le pouvoir continue d’arrêter des généraux, des politiciens pour cause de corruption, mais la mobilisation se poursuit. Le mot d’ordre de Constituante a pris beaucoup de poids dans les manifestations. En février mars, nous étions les seuls à la porter, mais c’est maintenant repris par des forces réformistes comme le FFS et beaucoup de banderoles de quartiers, aux quatre coins de l’Algérie, reprennent de telles banderoles. Ce mot d’ordre a réellement avancé. Mais nous sommes toujours dans la première phase du mouvement qui réclame toujours le départ des symboles du régime Bensalah, Bedoui. La deuxième phase, avec la Constituante, ne pourra commencer réellement que quand ils seront partis. Le mot d’ordre d’auto-organisation est très populaire mais il ne se cristallise pas comme nous le voudrions. Il se retranscrit par la multiplicité de réunions, de débats dans de nombreux villages, mais pratiquement pas dans les lieux de travail malheureusement pour le moment. C’est plutôt la bataille dans l’UGTA qui est le point d’appui pour l’auto-organisation dans la classe ouvrière. Il y a aura peut-être un virage si Sidi Saïd est arrêté comme cela semble possible.
En tous cas, le mouvement est fort, mobilisé, déterminé à continuer.
Kamel Aïssat, Parti socialiste des travailleurs