La IXe Rencontre internationale du Réseau de « l’économie des travailleuses et des travailleurs » s’est tenue en Argentine du 28 au 30 septembre 2023, dans les villes de Rosario et Puerto San Martín, dans la province de Santa Fe 1.
Elle a réuni près de 300 travailleuses et travailleurs des entreprises récupérées et autogérées, des représentantEs de coopératives, d’organisations sociales et populaires, ainsi que des membres de syndicats et des universitaires intéresséEs et engagéEs dans les pratiques autogestionnaires et le projet d’une nouvelle économie des travailleurEs.
Un réseau né en 2007
Cette 9e édition fêtait le 16 anniversaire du Réseau. La première convocation avait été lancée par le programme Faculté ouverte de la Faculté de philosophie et lettres de l’Université de Buenos Aires en juillet 2007. Depuis, les rencontres ont eu lieu tous les deux ans : à Buenos Aires (2009), au Mexique (2011), au Brésil (João Pessoa, 2013), au Venezuela (Punto Fijo, 2015), en Argentine (Pigüé, 2017), au Brésil (Guararema, École nationale Florestan Fernandes, 2019) et au Mexique (2021, en mode virtuel)2.
Ce réseau est un espace d’échanges et de confrontation d’expériences entre les différents continents. Il se veut également un outil d’articulation entre la réflexion théorique et la pratique (la praxis). À partir de l’année 2014, des rencontres régionales ont commencé à avoir lieu en Amérique du Sud, en Europe et en Amérique du Nord et centrale (à Mexico, Pigüé, Montevideo, Santiago du Chili, Marseille (usine occupée de Fralib), Thessalonique et Milan).
Récemment, la première École internationale d’autogestion a été organisée à l’École nationale Florestan Fernandes du Mouvement des Sans-Terre São Paulo au Brésil. Grâce à ce parcours, notre réseau s’est étendu à plus de 35 pays sur les cinq continents, mettant en débat l’économie mondiale du point de vue de la classe ouvrière, en particulier à travers les processus d’autogestion du travail. L’Association Autogestion et l’Union syndicale Solidaires sont membres de ce réseau depuis fin 2013. Ces organisations ont participé aux différentes rencontres internationales depuis cette date et co-organisé les rencontres euro-méditerranéennes. Notre association participe au Comité international.
Trois jours de débat sur l’autogestion
Les trois journées se sont déroulées à la « Coopérative de travailleurEs du port » de San Martín et au Centre culturel La Toma3 à Rosario. Après le bilan du forum préparatoire de l’économie des travailleurEs de Mexico (août 2023) et de la Première École internationale de l’autogestion (avril 2023) organisés par le réseau, neuf tables rondes correspondant aux différents axes de débats ont été organisées : « l’autogestion comme pratique et comme projet alternatif », « État et politiques publiques dans l’économie des travailleurEs », « Précarisation, travail informel et capitalisme de plateforme », « crise écologique et alternatives autogestionnaires », « Problèmes et défis de la production autogérée (commercialisation, articulation entre les entreprises récupérées, etc.) », « Défis pour les organisations syndicales dans le contexte capitaliste mondialisé », « L’économie des travailleurEs dans une perspective de genre », « Actualité des entreprises récupérées dans le contexte global » et « Éducation populaire et production de savoirs dans l’économie des travailleurEs ». En plus, des ateliers sur le genre, la santé au travail, la construction de réseaux socio-économiques territoriaux se sont également tenus.
Face à la recrudescence de l’agressivité du pouvoir capitaliste néolibéral envers la classe ouvrière à travers le monde, comment résister et esquisser des alternatives ? Les confrontations entre les blocs géopolitiques et la crise environnementale s’accentuent et touchent l’ensemble de la planète, ce n’est pas sans conséquences pour les travailleurEs quelles que soient les latitudes.
Renforcer les liens
Le dernier jour, l’assemblée internationale a été l’occasion d’exprimer la solidarité du réseau avec les entreprises occupées européennes : VioMe à Thessalonique et GKN à Florence4, et les établissements récupérés argentins sous la menace d’expulsion : La Litoraleña (entreprise récupérée à Buenos Aires), FaSinPat à Neuquèn et La Toma à Rosario. Un document d’intention avec des objectifs nationaux (liés à la problématique spécifique des entreprises récupérées par les travailleurEs argentins - ERT), régionaux et internationaux visant à consolider et renforcer les réseaux a été présenté par Andrés Ruggeri, coordinateur du réseau et directeur du programme Facultad Abierta au sein de l’université de Buenos Aires. En outre, de nouvelles sessions de l’École internationale d’autogestion sont envisagées au Brésil ou au Mexique. L’objectif principal est de renforcer l’articulation entre les différents acteurs engagés dans les expériences autogestionnaires ou solidaires de celles-ci et de confronter les pratiques pour une meilleure mutualisation. Le réseau international souhaite également échanger avec d’autres organisations. Le réseau euro-méditerranéen va à présent préparer sa IVe Rencontre prévue à Barcelone au printemps 2024 et participera en novembre au meeting de soutien à GKN à Florence.
Cette 9e Rencontre internationale a été riche en termes d’échanges et dans un contexte mondial complexe où les perspectives ne sont pas toujours lisibles ou peinent à s’esquisser. Le réseau actif depuis 2007 va poursuivre plus que jamais son activité pour construire les prémisses d’une économie des travailleurEs fondée sur l’autogestion.
5 octobre 2023, Richard Neuville, membre de l’équipe d’animation
de l’association Autogestion et de l’Union syndicale Solidaires
- 1. Voir la présentation et le programme in « 9e Rencontre internationale, Rosario (Argentine) 28-30 septembre 2023 », Richard Neuville, 21 septembre 2023 : https://autogestion.asso…
- 2. Site internet du réseau de l’économie des travailleurEs : http://economiatrabajado…
- 3. Le centre culturel La Toma de Rosario est un supermarché qui a été récupéré par les employéEs en 2001 à la suite d’une occupation décidée en réaction à la liquidation de l’établissement par les patrons. C’est depuis un espace aux mains des travailleurEs qui concentre aussi bien la production et la vente d’artisanat, la création et la production de spectacles et les sièges d’une cinquantaine d’organisations. Plus de 22 ans après, il reste toujours sous la menace d’une expulsion.
- 4. Deux initiatives de soutien avec GKN se tiendront à Paris le 23 octobre et à Florence le 5 novembre.