Publié le Mardi 10 février 2015 à 07h04.

« Une nouvelle fissure s’est ouverte, ne la laissons pas combler  »

Déclaration électorale de l’OKDE-Spartakos (janvier 2015)

Nous ne pouvons publier ici que des extraits de cette déclaration, dont manquent ainsi des passages importants. Le texte complet doit paraître prochainement dans la revue « Inprecor ». Il a été traduit du grec par Emil Ansker.

Encore un gouvernement du capital, en l’occurrence la coalition ND-Pasok, qui s’écroule bien avant la fin de son mandat. La raison (…) n'en est pas l’incapacité des partis du système à restaurer les profits du capital, c’est l’échec de Samaras et Venizélos à conclure les négociations avec la Troïka, car ils savaient qu’ils ne pourraient pas faire passer les nouvelles mesures dont ils avaient besoin, étant incapables de supporter un nouvel affrontement central avec le mouvement ouvrier. 

En dernière analyse c’est la colère sociale et la pression du mouvement qui a fait tomber le gouvernement, comme elle a fait tomber les précédents gouvernements mémorandaires de Papandreou et Papadimos. Le mouvement ouvrier ne s’est peut-être pas hissé aux niveaux de la période 2010-2012, et il a sans doute encore de nombreux obstacles à surmonter, mais les états-majors gouvernementaux savent bien à quelle vitesse peut se déclencher une explosion générale, et ce que cela voudrait dire.

A l’été 2013 la lutte de l’ERT a privé la coalition gouvernementale de Kouvelis et de Dimar, et l’a considérablement affaiblie. Le mouvement antifasciste de l’automne 2013, suite à l’assassinat de Pavlos Fyssas par Aube Dorée, a contraint le gouvernement à traîner les nazis en justice et à cesser les pourparlers de coopération avec eux. Les luttes des travailleurs du public qui ont bloqué les soi-disant évaluations, c’est-à-dire les licenciements massifs, ont ridiculisé Mistotakis et mis en furie la Troïka. Les occupations des lycéens et les mobilisations étudiantes de l’automne ont rappelé le gigantesque soulèvement étudiant de 2006-2007. La lutte des réfugiés syriens a montré que les immigrés n’étaient pas disposés à subir passivement la politique raciste de l’Etat grec et de l’UE. Les mobilisations de masse en soutien au gréviste de la faim Nikos Romanos ont conduit le gouvernement, qui craignait une nouvelle insurrection semblable à celle de décembre 2008, à l’échec. Compte tenu de l’accumulation de mouvements d’ampleur ces dernières années et de l’empreinte du redressement des luttes, le gouvernement s’est trouvé obligé de fuir l’affrontement et d’ouvrir lui-même la porte de sortie (…)

 

Selon quel critère votons-nous ?

La chute du gouvernement a ouvert une nouvelle fissure dans la domination politique de la classe capitaliste. Nous ne devons pas laisser combler cette fissure. Nous ne devons pas retourner à la normalité. D’autres luttes, coordonnées, auto-organisées, sont nécessaires (…)

Mais pour que puissent se concrétiser les énormes possibilités qui s’ouvrent à l’émancipation des opprimés et des travailleurs, il faut une réponse politique. Il doit devenir compréhensible que la patience « en attendant que les conditions mûrissent » et la remise de nos espoirs entre les mains d’un futur gouvernement qui apportera la solution, ne peuvent nous conduire qu’à l’échec. La gauche réformiste du parlement et les bureaucraties des fédérations syndicales ont de très sérieuses responsabilités dans la relative passivité qui a régné après la période des grandes grèves, des occupations de bâtiments publics et du mouvement des places, bien que les luttes n’aient pas cessé.

Aucun gouvernement, même de gauche, ne peut nous offrir quoi que ce soit sans que nous ne le revendiquions, car dans sa crise le capitalisme n’a rien à donner (…) Pour que l’offensive contre les travailleurs soit repoussée, le système doit aujourd’hui être ébranlé dans ses fondations, et être renversé. 

C’est sur la base de ces critères que doivent voter les militants et les militantes du mouvement, et pas dans la logique du moindre mal. Il faut une gauche anticapitaliste indépendante, qui poussera les luttes jusqu’au bout, et ne posera pas de limites au nom du « réalisme » ou du « consensus national ». Il faut une opposition combative et ouvrière, qui ne laissera pas de délai de tolérance à un éventuel gouvernement de gauche, mais combattra de façon intransigeante pour les besoins réels des travailleurs dès le premier instant (…)

 

La gauche gouvernementale ne suffit pas

(…) A mesure que Syriza s’approche du pouvoir, elle multiplie les gages envers le système et le capital. En deux ans, des grands mots sur la mise en pièces des mémorandums on est passé à la logique de négociation avec la Troïka. Du « aucun sacrifice pour l’euro », nous sommes passés à « tout faire pour sauver l’euro ». Des promesses de redistribution des richesses, aux engagements très modérés de Tsipras à Thessalonique, où chaque mesure en faveur des travailleurs dépend désormais de la croissance, des crédits européens (comment donc négocier quand on est dépendant de cela ?) et de la gestion des comptes de l’Etat. Plus rien sur l’expropriation du grand capital, l’expropriation des banques, rien sur l’annulation unilatérale des mémorandums, ne reste que la gestion de la pauvreté (…)

La direction de Syriza jette des ponts vers des fractions du capital, national et international. Elle échange chaudement avec le SEB [la Confédération patronale, NdTr], promet à l’Eglise que celle-ci conservera les immenses richesses amassées au cours de siècles d’oppression des couches populaires, discute avec les banquiers et entrepreneurs européens (…) Dans le cadre du regain de tension inter-impérialiste entre les Etats grecs et trucs à Chypre, la direction de Syriza a déclaré que les questions nationales appelaient le consensus, c’est-à-dire l’unité avec les capitalistes, les armateurs et les banquiers (…) 

Le KKE, de son côté, tente avec sa rhétorique de gauche de regrouper une frange des travailleurs déçue à juste titre par Syriza. Mais en réalité son orientation politique n’est pas si différente. Il est en fait focalisé sur son renforcement électoral et le soutien aux menées de sa direction bureaucratique (…) Les grandes phrases sur le « pouvoir populaire » traduisent seulement le fait que le KKE n’est pas disposé à mener des luttes mettant réellement en cause le pouvoir des capitalistes. Les revendications qu’il met en avant sont modérées et élémentaires (petites augmentations, baisse de l’âge de départ à la retraite, etc.). Son comportement de diviseur dans les mouvements démontre un profond pessimisme quant à la capacité des travailleurs à s’auto-organiser, à lutter pour vaincre (…)

Une gauche radicalement différente du réformisme parlementaire est nécessaire, une gauche anticapitaliste et révolutionnaire. Une gauche qui ne s’isolera pas des autres courants dans le cadre des luttes, qui croira dans les capacités autonomes des masses, mais qui ne fera pas cadeau de son indépendance politique et organisationnelle à la première occasion. Pour que les anticapitalistes d’Antarsya puissent jouer ce rôle, il faut qu’une stratégie révolutionnaire moderne soit élaborée, une stratégie indépendante du capital et de son Etat. Il faut que les chantages et les pressions pour des alliances vers la droite soient repoussés. Il faut que soient ignorées les sirènes des solutions faciles, reposant sur une monnaie nationale ou un « redressement productif » national, sans renversement des rapports de classe (…).

 

Un programme transitoire de rupture avec le capitalisme est nécessaire

• Abolition unilatérale des mémorandums et de toutes les lois mémorandaires.

• Annulation de la dette, loin de la logique de la « négociation » avec les banques et les créanciers.

• Expropriation de toutes les banques, sans indemnisation des banquiers, et mise en place d’une banque publique, sous le contrôle des travailleurs.

• Expropriation des grandes entreprises, sans indemnisation des capitalistes, et fonctionnement sous contrôle ouvrier.

• Occupation et autogestion des entreprises qui ferment.

• Interdiction des licenciements, réembauche immédiate des licenciés du public, remise en marche intégrale de l’ERT sous statut d’autogestion.

• Réduction du temps de travail, avec augmentation des rémunérations, comme seule solution pour faire disparaître le chômage.

• Augmentation des salaires au niveau des besoins réels des travailleurs, et pas sur la base des marges comptables et des lois du marché.

• Taxation importante des profits, expropriation des biens de l’Eglise et des grands capitalistes.

• Coopératives de petits agriculteurs et soutien à ceux-ci de la part de la banque publique

• Régularisation de tous les immigrés et réfugiés, pleins droits politiques et sociaux, ouverture des frontières pour tous les travailleurs.

• Désarmement de la police, dissolution des MAT et de toutes les unités spéciales de police, abolition des lois de terreur et des prisons spéciales.

• Liberté syndicale dans l’armée.

• Dissolution de l’Aube Dorée, assemblées antifascistes de masse partout.

• Affrontement anticapitaliste et désengagement intégral de l’euro et de l’UE, lutte internationale pour leur dissolution.

• Sortie de l’OTAN et de chaque mécanisme impérialiste.

• Aucune tolérance envers l’agressivité impérialiste de l’Etat grec, dissolution de l’axe réactionnaire Grèce-Chypre-Israël, solidarité internationaliste des travailleurs turcs et grecs comme seule solution aux rivalités pour la Zone économique exclusive.

• Egalité et pleins droits pour la minorité turque de Thrace, liberté en matière de culte et d’enseignement, reconnaissance des autres minorités dans l’espace grec.

• Pour une nouvelle internationalisation socialiste des Balkans, de l’Europe, de la Méditerranée.

• Pour la protection de l’environnement, des espaces publics et des biens communs.

• Pour les droits des femmes et l’auto-organisation du mouvement féministe.

• Pour les droits des LGBTI.

• Pour un gouvernement des travailleurs eux-mêmes, responsable devant leurs assemblées générales.

• Pour l’auto-direction, l’auto-organisation et le pouvoir des travailleurs.

Ce programme doit et peut être adopté par la frange la plus militante du monde du travail, à commencer par la gauche anticapitaliste. L’OKDE-Spartakos lutte pour une telle orientation politique, et sur cette base appelle les militant-e-s à se regrouper dans Antarsya.