Francis Sitel, pour Ensemble !, exprime dans cette contribution son point de vue sur la situation et la construction du parti. La longue séquence électorale qui vient de se clore débouche sur un changement politique majeur. Certes Macron obtient un second mandat, mais l’ampleur de l’abstention et le fait qu’il s’est agi plus d’un vote de rejet de son adversaire que de soutien à sa candidature diminuent grandement sa légitimité.
Ce que les élections législatives ont confirmé de manière spectaculaire. Pour la première fois sous la Ve République, le parti présidentiel se voit privé d’une majorité lui donnant les mains libres pour concrétiser ses projets. C’est un désaveu du macronisme. Et l’entrée dans une période de grande instabilité.
L’élément le plus inquiétant est la force acquise par l’extrême droite. Jamais celle-ci n’a atteint de tels scores, d’abord à la présidentielle, ensuite et de manière imprévisible aux législatives. Avec un groupe parlementaire de 89 députés, une implantation dans de nouveaux territoires, un « front républicain » à présent explosé, le RN est en voie de notabilisation et va être reconnu comme un acteur majeur de la vie politique. Ne nous y trompons pas : la voie de l’accès au pouvoir lui est à présent ouverte !
Sauf à entretenir l’illusion que cette extrême droite n’est plus l’extrême droite, il faut voir qu’il y a péril en la demeure, et que notre camp social est confronté à un défi redoutable.
L’existence de la NUPES représente un espoir pour le peuple de gauche.
Après l’échec des différentes tentatives unitaires de traduire la forte aspiration au rassemblement, la formation et la dynamique de la NUPES ont été rendues possibles par le score de Mélenchon au premier tour de la présidentielle et à la politique mise en œuvre par la FI ensuite. Même si la situation reste loin d’être stabilisée cela traduit une clarification majeure à gauche, celle-ci se trouvant désormais polarisée par une orientation antilibérale et antiproductiviste.
Le Parlement national de la NUPES, ouvert à des composantes politiques et à des actrices et acteurs du mouvement social, modifie positivement la donne politique telle qu’établie depuis 2017. Ce pourquoi notre organisation a demandé à participer aux activités de la NUPES.
Nous souhaitons que se mettent en place des assemblées populaires citoyennes ou toute autre forme de structures unitaires locales, comme les Parlements locaux par exemple. Il s’agit de développer la dynamique populaire, unitaire, citoyenne, en renforçant les liens avec les militantes et militants issus des mouvements sociaux et citoyens. Avec l’ambition de permettre le succès d’une alternative sociale, écologiste, démocratique, féministe et antiraciste !
Pour constituer une alliance durable, une force politique de solidarité et d’émancipation encourageant et stimulant les luttes à venir, il faut renforcer la crédibilité des propositions inscrites dans le programme de la NUPES. C’est ainsi qu’il sera possible de regagner à la participation politique la moitié des sympathisants de gauche ou écologistes qui ne se rendent plus aux urnes. Il s’agit de montrer que les mesures de ce programme sont, non seulement souhaitables, mais aussi possibles. En effet, le recul des forces de gauche et du mouvement ouvrier ces dernières années, tant sur le plan des luttes que sur le plan idéologique, a semé le doute sur ces questions.
Pour se développer et gagner en crédibilité et en cohésion dans les prochaines années, la NUPES doit, tout en respectant l’autonomie de chacune des forces politiques qui la composent, se positionner comme un rassemblement prêt à gouverner pour mener une politique de transformation sociale, écologique et démocratique. Elle doit pour cela mettre en chantier ce qui constituerait les objectifs politiques, les mesures immédiates, la stratégie de gouvernement et le projet commun qui peuvent permettre de construire une majorité dans le pays. La profondeur de la crise politique, qui s’accompagne d’une crise institutionnelle rampante, peut entraîner des accélérations dans les prochains mois et les prochaines années et ouvrir des possibilités nouvelles.
Nous pensons qu’il nous faut également en tant que mouvement continuer à mettre en débat des propositions qui ne se limitent pas au programme partagé de gouvernement de la NUPES, et qui sont portées par l’action des collectifs du mouvement, par exemple la solidarité avec l’Ukraine, celle avec les migrants, les interventions aux côtés des chômeurs et précaires…
Nous voulons aussi relancer une discussion autour de la construction d’un Front uni contre les idées des extrêmes droites fascisantes qui soutiendrait les initiatives et les campagnes politiques et culturelles indispensables.
Avec la NUPES, un Front des mouvements sociaux, citoyens et politiques
Au-delà des élections du printemps 2022, il est essentiel que se stabilise une alliance ou un front politique durable, capable de redonner de l’espoir et du sens à une alternative globale face au gouvernement et à la domination capitaliste.
C’est ainsi que pourrait se constituer un lien entre les luttes sociales, écologiques, démocratiques et les forces politiques unies, ce qui favoriserait une dynamique offensive. Des actions communes (associations, syndicats, forces politiques) avaient été organisées durant le premier quinquennat Macron : loi sécurité globale, défense des libertés, mobilisation contre l’extrême-droite, luttes antiracistes, luttes féministes. Mais elles restaient partielles et sans perspective générale ou commune. Si la NUPES se maintient, si elle se développe sur tout le territoire, avec des espaces démocratiques ouverts, il devrait être possible d’aller plus loin. La participation des collectifs citoyens qui ont émergé, sous des formes diverses, ces dernières années est évidemment essentielle, localement et nationalement.
L’objectif pourrait être de construire des espaces de dialogue et d’action (pour un Front social, écologique et politique), entre les organisations du mouvement social et écologique, les syndicats, les associations de luttes et la coalition NUPES, sur des enjeux stratégiques : bifurcation et planification écologique, nouvelles conquêtes sociales, mutations dans le travail, émancipation collective contre toutes les dominations, droits universels.
Les mois qui viennent vont être dominés par de multiples crises, et par des attaques d’ampleur contre les classes populaires, le salariat et la jeunesse. À la gauche, et au sein de celle-ci aux forces les plus déterminées d’être à la hauteur de leurs responsabilités : œuvrer à la résistance et porter une alternative aux politiques de la classe dirigeante.