Publié le Samedi 6 septembre 2025 à 11h00.

La guerre globale contre les peuples, de Mathieu Rigouste 

Éditions La fabrique, 18 avril 2025, 304 pages, 17 euros.

Dans un contexte de remilitarisation et d’extension des dispositifs sécuritaires, Mathieu Rigouste livre une analyse approfondie des doctrines contre-insurrectionnelles. Son essai démontre la continuité entre les guerres coloniales, les politiques sécuritaires et l’ordre néolibéral, et appelle à un antimilitarisme décolonial et antiraciste. À l’heure de la remilitarisation dans nos pays occidentaux, à l’ère du capitalisme néolibéral, il est plus que jamais nécessaire d’analyser les politiques répressives contre les résistances, et en particulier ce qu’on appelle les doctrines contre-insurrectionnelles liées à la « guerre contre le terrorisme ». Cet essai raconte l’histoire des allers-retours entre les champs de bataille coloniaux et hexagonaux et des méthodes militaires qui se sont généralisées pour gouverner et dominer les peuples. Si, aujourd’hui, le terme « guerre » renvoie à une situation exceptionnelle qui viendrait suspendre temporairement le temps normal de la paix, dans les pays occidentaux cette guerre est souvent lointaine, géographiquement ou temporellement.

Une stratégie globale de contrôle et de domination

Mathieu Rigouste démontre que la logique de guerre et ses profits accompagnent depuis longtemps le développement du capitalisme, dans une stratégie globale de contrôle et de domination. Il met en évidence une continuité coloniale et impérialiste, avec une complémentarité entre guerre impériale extérieure et ordre sécuritaire intérieur. La guerre globale contre les peuples est aussi idéologique : elle construit l’ennemi intérieur pour justifier un état d’exception permanent. Dans les pays impérialistes, cette mécanique de contrôle vise particulièrement les personnes racisées des quartiers populaires ou les migrantEs. Auparavant, ces techniques contre-insurrectionnelles étaient déployées dans les colonies, comme en Algérie occupée par la France coloniale. 

Des laboratoires d’expérimentation de la contre-insurrection

Plus largement, les puissances capitalistes transforment ces zones périphériques en véritables laboratoires d’expérimentation de la contre-insurrection. Ces dispositifs — police, armée, surveillance — ne visent pas à garantir la « sécurité des populations », mais à sécuriser les intérêts capitalistes, tout en criminalisant les résistances. Ces dispositifs opèrent aujourd’hui, par exemple, en Palestine occupée, où « l’IA constitue le support techno-industriel du néofascisme sécuritaire », avant d’être exportés à l’étranger, notamment dans les pays de l’OTAN.

Cet essai, véritable cartographie de la contre-révolution contemporaine, documente le rôle des prisons, des polices et du complexe militaro-industriel dans la reproduction des rapports de domination. Pour y résister, l’auteur appelle à construire une solidarité des luttes, fondée sur un internationalisme contre les impérialismes et le colonialisme, loin d’une vision campiste d’un impérialisme unique, et à se mobiliser depuis nos centres impérialistes contre notre propre impérialisme, par un antimilitarisme décolonial et antiraciste.

An Gwesped