Publié le Mardi 7 mars 2017 à 16h08.

Présidentielle : danse frénétique sur fond de crise

La dixième élection présidentielle dans le cadre de la Constitution de la Ve République offre un spectacle inédit. Elle marque la fin du système à deux partis dominants : un parti de droite fédérant héritiers du gaullisme et libéraux et une gauche hégémonisée par le Parti socialiste. Les politiques néolibérales poursuivies avec opiniâtreté par chacun de ces partis se succédant au pouvoir ont produit une désespérance sociale sur laquelle a prospéré le Front national. Il ne faut toutefois pas en conclure à une hégémonie du FN sur les catégories populaires : aux régionales de 2015, 43 % des ouvriers qui ont voté l’ont fait pour ce parti, mais 61 % se sont abstenus. Le FN est clairement candidat au pouvoir et s’emploie à désarmer les réticences des cercles dominants du capital, notamment du fait de sa position affichée sur l’euro.

 

Crise des partis dominants

En dehors du FN, les principales forces politiques sont en crise. La droite avait cru tenir la victoire mais son candidat conservateur-catholique a trébuché sur ses propositions ultraréactionnaires sur l’assurance-maladie, avant de s’engluer dans une affaire d’emplois fictifs à finalité d’enrichissement personnel. Le PS a pour sa part payé son tournant social-libéral par une désaffection progressive des classes populaires : certains penseurs du PS ou périphériques à celui-ci (comme Terra nova qui se présente comme un think tank – réservoir d’idées – « progressiste ») s’en sont même félicités et ont prôné la recherche d’une autre base sociale.

Dans la dernière période, la politique suivie sous Hollande a fracturé le PS lui-même : d’un côté, les soutiens de la politique économique et sécuritaire du quinquennat, de l’autre, ceux qui de façon plus ou moins inconséquente s’y sont opposés à partir d’une certaine date. Les seconds, confortés indirectement par le mouvement contre la loi El Khomri, ont gagné la primaire avec comme chef de file Benoit Hamon qui, jusqu’en août 2014, avait été un ministre loyal. Son succès a, de fait, approfondi la fracture, l’aile des supporters de l’austérité et des réformes néolibérales s’accrochant désespérément à leur orientation.

Deux courants politiques ne figureront pas à la présidentielle. D’abord les Verts, emportés par un opportunisme qui leur a fait depuis des années sacrifier l’écologie à la poursuite de postes de députés et de ministres. Ensuite, le parti communiste, héritier d’une tradition militante à la fois glorieuse et dévoyée, paralysé par ses divisions et la primauté accordée à la sauvegarde de ses élus.

 

L’heure des hommes providentiels

C’est donc l’heure des hommes providentiels. Macron profite des difficultés de ses rivaux Fillon et Hamon et, malgré son programme libéral à tout crin, se prépare à jouer le recours anti-Le Pen. Mélenchon se présente, lui, comme l’incarnation et le sauveur d’une gauche de combat alors que la reconstruction de celle-ci ne saurait résulter d’une démarche où les travailleurs sont seulement sommés de « bien voter » afin que l’Elu change les choses.

Le vieux s’effrite et le neuf n’est qu’un nouveau « Canada dry » tandis que monte le FN et que l’Etat autoritaire fait en permanence appel à l’intervention d’une police dont les dérapages sont couverts. Mais analyser la situation dans ses aspects politiciens et franco-français serait insuffisant. Croissance économique anémique, crise de l’Union européenne, proximité possible d’une nouvelle crise financière (les ingrédients en sont en tout cas réunis), retombées imprévisibles de la politique de Trump : tout cela est à  l’arrière-plan d’une élection dont il est impossible de prévoir le dénouement. Cependant, quel qu’en soit le résultat, la situation sera gouvernée par une montée des tensions.

 

Résister, c’est exister

« Résister, c’est exister » proclamait un T-shirt arboré par notre candidat Philippe Poutou lors d’une émission télé, c’est évident mais ça ne suffit pas. Outre la besogne nécessaire de résistance à la réaction sociale, au racisme, au recul des libertés, il y en a une autre. Face aux forces réactionnaires qui prospèrent, il faut construire des forces anticapitalistes et révolutionnaires qui prennent acte des caractéristiques de la nouvelle période (le marxisme ne peut se réduire à une scolastique répétitrice) en intégrant les transformations induites par les deux horizons du capitalisme de notre temps, la crise économique et la crise écologique, et ayant une large audience parmi ceux et celles qui n’ont pour vivre que la vente de leur force de travail : les prolétaires, dans toutes leurs composantes.

A notre niveau et avec nos limites, l’orientation de lutte sociale et internationaliste que nous développons à l’occasion des présidentielles s’inscrit dans cette tâche incontournable et de longue haleine.

 

Henri Wilno