La loi « Bien vieillir », examinée lundi 20 novembre à l’Assemblée nationale, avance un plan de prévention et de lutte contre l’isolement social, un dispositif de signalement des maltraitances, un droit de visite et un droit au maintien du lien social, un soutien des professionnelEs et des familles… sans véritables moyens financiers. Les députéEs du PCF et de LFI ont voté contre. Pour discuter de cette loi un groupe de retraitéEs de diverses professions, militantEs syndicales et syndicaux de Besançon se sont réuniEs pour débattre de ce que veut dire « bien vieillir ».
Martine, Yveline, Noëlle et Norbert, retraitéEs de Solidaires, se sont joints à Nadine pour la FSU et Michel pour les retraitéEs de la CGT. Martine ose un constat : « Je dis que la loi “grand âge”, c’est l’Arlésienne chez Macron. Parce qu’il est arrivé en 2017 en disant “Je m’engage pour le bien-vieillir”, avec un objectif de prise en charge de 4,2 millions de personnes dépendantes pour 2050. En 2018, il crée la branche autonomie, mais elle n’est pas prise en charge dans le cadre de la Sécu. Alors que ce que nous voulons, c’est une cinquième branche incluse dans le cadre de la Sécu. Depuis, Buzyn a fait une concertation sur le grand âge en 2018 ; il y a eu la mission Braun dont je n’ai jamais entendu parlé. Et, 50 000 postes en Ehpad avaient été promis par le ministre des Solidarités Combe en 2023. Seuls 3 000 ont été créés. Dans la proposition de loi “Bien vieillir”, il est proposé (entre autres), la création “d’un guichet unique pour orienter et informer les personnes âgées” ». Et Noëlle de réagir : « Si vous êtes désorientéEs, tant pis pour vous ! »
Lutter contre l’isolement social
Dans cette réunion de vieilles et vieux travailleurEs, la parole est prise à tour de rôle. Les premierEs concernéEs estiment avoir leur mot à dire sur la façon dont les gouvernantEs envisagent les vieux jours de celles et ceux qui ont créé les richesses, leur vie durant.
Pour Michel, l’isolement social frappe particulièrement les résidents les plus jeunes et les plus socialement défavorisés dans les établissements. « Ils sont très isolés dans les Ehpad. Mais le problème, c’est surtout un manque de personnel ». Puis, rapidement il évoque le droit de visite. « Pendant la pandémie de Covid, ma belle-mère a été trois mois sans nous voir. C’est la maltraitance institutionnelle de l’Ehpad », l’un des thèmes de cette loi. « On nous a interdit de lui rendre visite, puis on a pu la voir derrière une grande table, avec une vitre entre les deux, dans un espace qu’elle ne connaissait pas. Elle ne nous a pas reconnus du tout. Elle se demandait ce qu’elle faisait là. Cela a été un isolement institutionnel ». On verra lors de la prochaine crise si cette loi qui promet le droit de visite a changé les choses... Michel poursuit sur la création du guichet unique : « Il faudrait surtout développer la prise en charge de la vieillesse à 100 % par la Sécurité sociale et non refaire des structures parallèles. Il ne faut pas forcément faire des branches, comme la cinquième branche prévue dans la loi “grand âge” car, quand ils saucissonnent la Sécu c’est pour mieux la casser ».
Nadine, qui est membre FSU du Conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie du Doubs, estime que l’on est dans des effets d’annonce avec cette loi qui prétend qu’on va lutter contre l’isolement des personnes âgées : « Évidemment on ne va porter qu’il faut laisser les personnes âgées isolées mais quand on lit les propositions qui sont faites, par exemple il y a toute une histoire de télématique, d’informatique, et je trouve que ça ce n’est quand même pas une façon de lutter contre l’isolement des personnes âgées car il y en a plein qui ne sont pas équipées en informatique ».
« Le seul recours pour les personnes âgées ne peut pas être d’aller sur un site internet mais d’être mis en présence de vraies personnes, comme des travailleurs sociaux, par exemple ». Pour cela tous et toutes le disent d’une même voix : il faut des moyens humains !
Un service public des aides à domicile
Yveline explique qu’« il y a de réelles difficultés à trouver des aides à domicile, avec les bas salaires, les horaires de travail. Il faut organiser une vraie filière pour attirer des gens vers ce secteur-là. Mon père de 93 ans a quatre heures de ménage par mois. Eh bien, je crois que depuis le début, il n’y a jamais eu la même personne ».
Pour Noëlle cela veut dire « s’il y avait un vrai plan de lutte contre l’isolement social ça supposerait un service public de cette profession avec un statut et une carrière. Si on veut reconnaître les premières de corvée, il faut une évolution de salaire et une évolution de carrière car elles sont au Smic pour toute la vie ».
Michel ajoute que les aides à domicile n’ont pas assez de temps pour être avec les personnes âgées pour leur remonter le moral, par exemple.
La Conférence nationale de l’autonomie, une nouvelle instance étatique, va être créée alors qu’« on a absolument tout ce qui faut pour installer les choses » selon Nadine. Ce à quoi Michel répond que « lorsqu’on veut enterrer un problème, on créé une commission ».
Vieillir à domicile
Dans ce projet de loi, il n’y a absolument rien de prévu pour qu’il y ait des financements de postes d’auxiliaires de vie, d’aides-soignantes ou de travailleurEs sociaux. « Il y a des grandes annonces, des grandes attentions dont on peut dire que oui, c’est ce qu’il faut faire mais après, dans les moyens qui sont mis en œuvre il n’y a strictement rien du tout ».
« Les options maintenant, c’est de laisser les gens chez eux. Ça c’est très bien tant qu’on peut avec l’accompagnement nécessaire. Après, le problème, c’est que les appartements ou les maisons ne sont plus forcément bien adaptés. Il y a les problèmes bêtement matériels. Comment sortir faire ses courses quand il n’y a pas d’ascenseur ou qu’on est loin du village ? »
« Les habitats comme Âge et Vie (colocations proposées par une société privée à but lucratif) rencontrent les mêmes problèmes de manque humain. Par exemple, dans une structure, à côté de Besançon, on a vu des personnes capables de se débrouiller mais dépendantes, chez qui personne ne venait faire le ménage dans leur appartement. Donc c’est vachement cher et les familles venaient voir leur parent et s’apercevaient que l’appartement était dégueulasse, le lit pas fait, la personne ne s’était pas lavée. Des trucs assez glauques... » On tourne toujours autour de la même chose : il n’y a pas assez de moyens.
Yveline fait référence à un nouveau groupe privé SOS Seniors dont la spécialité est d’acheter les Ehpad publics et privés à but non lucratif en difficulté dans plusieurs villes de France.
Noëlle rappelle que parmi les personnelEs qui travaillent au contact des personnes âgées, il y a de nombreuses femmes immigrées sans lesquelles ça ne tournerait pas. Raison de plus pour ne pas les maltraiter avec une énième loi immigration. Bien des problèmes ont été évoqués : les handicapéEs, cette société qui cache ses vieilles et vieux, les différences de classe...
Nadine et Noëlle pourraient avoir le mot de la fin : « Si ce n’est pas nous qui nous emparons du problème, à la façon du Conseil national autoproclamé de la vieillesse 1, personne ne s’en occupera à notre place. Dans nos organisations ou en dehors d’elles, il faut qu’on s’attaque à ce truc-là. Il faut s’occuper nous-mêmes de nos affaires avant de sucrer les fraises ».
En se quittant, on s’est donné rendez-vous début janvier en intersyndicale retraitéEs pour jeter les bases d’une auto-organisation des travailleuses et travailleurs retraitéEs sur la ville, pour essayer de défendre nous-mêmes nos intérêts. Car, on l’a compris, Macron, avec sa loi, se moque pas mal que l’on vieillisse bien. Tout ça c’est de l’enfumage !