Publié le Dimanche 28 juillet 2024 à 20h27.

Cérémonie d’ouverture des JOP : un Pinkwashing à 200 millions

Qui ne serait pas réjoui·e par les réactions haineuses de Marion Maréchal et de Philippe de Villiers à la cérémonie des JO ? Ou les commentaires de Monseigneur Emmanuel Gobilliard et des médias les plus réactionnaires sur la présence de Drag Queens dans ce qu’ils ont cru être une parodie de la Cène ? Ou de voir Aya Nakamura sur scène après la campagne menée contre elle ? Ou la délégation algérienne commémorant le 17 Octobre 1961 ? Thomas Jolly, le directeur artistique, en plus d’avoir réussi à coordonner un magnifique spectacle, particulièrement moderne et inspirant, maîtrise manifestement l’art de la provocation. Mais…

 

Mais la beauté d’un spectacle n’en efface pas sa nature profonde, la cérémonie d’ouverture des JOP n’en élimine pas la fonction. Admirer le spectacle ne doit pas faire oublier la présence du président israélien, le déluge de bleu-blanc-rouge, la surreprésentation d’athlètes français, symbolisant la supposée grandeur de celle-ci, lors du passage de la flamme olympique héritée des fascistes, les attaques contre les SDF, contre les logements sociaux, les milliards dépensés, la négation du droit du travail sur les chantiers, l’omniprésence de Macron qui court pour embrasser le plus d’athlètes possible, les QR code pour se déplacer… et le refus, au nom des JO, de destituer le gouvernement macroniste, un acte particulièrement antidémocratique.

La cérémonie et son effet sur les réactionnaires n’est qu’une petite part de la séquence des JOP. Et on peut même considérer que c’est la cérémonie qui permet tout le reste : il s’agit de faire accepter le pire en montrant qu’il est capable de tenir compte du meilleur. Cette cérémonie est sans doute le plus cher Pinkwashing de la décennie. Les JOP ont déroulé un tel tapis d’horreurs qu’il fallait nécessairement tordre le bâton dans l’autre sens pour que cela se voit moins. Une espèce de fête des fous où, dans la tradition européenne, on inverse tous les codes et les hiérarchies sociales pour quelques jours. Mais dans les JOP, c’est Jupiter qui surveille au lieu de Saturne.

 

Et cette dimension fonctionne à plein dans les jours qui suivent la cérémonie : Thomas Jolly la défend au nom de l’unité, de la volonté « d’être fédérateurs plutôt que subversifs » ; comme l’athlète revendiqué arabe israélien Adam Marana explique qu’il veut porter un message de paix, qu’Israël peut être représentée par un arabe. Carole Delga est aux anges : « Nos valeurs, notre patrimoine sont si joliment poétisés. Soyons fiers de ce qui fait la France, ce pays si unique : Liberté, égalité, fraternité [cœur avec les mains]. Le sport nous rassemble et ce soir il est en fête » En réalité, le sport n’a pas changé, il prétend toujours être neutre… sans l’être. Car, Aymeric Caron l’explique bien, les JO font de la politique : les athlètes russes concourent sous bannière neutre mais les hymnes israéliens et français (la France, le pays qui déporte des Kanak…) sont diffusés dans tout Paris.

Ce qui a changé, c’est ce que les réactionnaires veulent en faire, ce qu’ils veulent dans la période. Et cela provoque des réactions, comme celle, virale, du supporter analysant le match entre le Mali et Israël qui se retrouve, sous le harcèlement d’un sioniste, à crier « Free Palestine » ! Mais ces réactions sont bien timides, l’effet de sidération du sport, la chape de plomb pèse très fortement. Ainsi, la CGT a donc participé aux JOP, Bernard Thibault allant jusqu’à porter la flamme, et il y avait peu de monde pour accueillir les athlètes palestinien·nes.

 

Le sport capitaliste est un exemple particulièrement fonctionnel de la réification. Le sens que lui donne le cérémonial et les prétextes à son existence (de bonne ou de mauvaise foi selon les interlocuteurs) effacent les éléments qui le constituent : les feux d’artifice, le chant et les danses masquent le travail humain effectué pour construire les stades, la spoliation, les jardins ouvriers détruits, les 2 millions de tonnes de CO2 prévu·es par les organisateurs, et la guerre, la guerre et la guerre, en Kanaky, en Ukraine, en Palestine, sans parler de la guerre de classe en cours en France, pour laquelle on devrait réaliser une trêve.  « Le temps est tout, l'homme n'est plus rien ; il est tout au plus la carcasse du temps » explique Lukacs dans Histoire et conscience de classe. Le timing de la cérémonie d’ouverture se calcule à la seconde : changement de caméra, apparitions, lumière, feux d’artifices. Et se prolongera dans les performances des athlètes. « Gagner une seconde en natation, c’est vraiment dur », raconte Adam Marana.

Alors, célébrons Thomas Jolly et Philippe Catherine tant qu’on voudra mais continuons à vomir les JOP et Macron.