Pour les consommateurEs de substances psychoactives licites et illicites, le confinement est une vraie problématique sanitaire qui révèle la nécessité d'une autre politique vis-à-vis des drogues. La France est en effet un des pays les plus répressifs en la matière et, dans le contexte de pandémie actuel, pour les consommateurEs la situation est devenue dramatique.
Pour les personnes dépendantes aux drogues et à l'alcool, aller acheter sa consommation quotidienne est devenu particulièrement difficile ; pour l'alcool, par exemple, certainEs jugent qu'il ne s'agit pas d'un produit de première nécessité, comme dans l'Aisne où le préfet a, dans un premier temps, interdit la vente d'alcool.
Les consommateurEs avaient leurs stratégies pour gérer leurs consommations, achats réguliers, déplacements dans les pays frontaliers pour acheter son produit moins cher, revente pour financer sa consommation ; pour les plus précaires la manche était une ressource quotidienne de fortune qui leur assurait un minimum de revenu complémentaire.
Tout cela est fortement perturbé aujourd'hui ; contrôles policiers renforcés, déplacements difficiles, produits plus rares ou plus chers, beaucoup n'ont plus les finances nécessaires pour acheter leurs consommations habituelles et se retrouvent plongés dans une grande détresse psychologique et physique ; certainEs sont contraints à des sevrages forcés qui peuvent être très dangereux voire mortels. Les traitements de substitution aux opiacés peuvent permettre de stabiliser et réduire les consommations, mais l'inégale couverture du territoire en matière d'addictologie rend l’accès à ces traitements parfois difficile, surtout en milieu rural ; de plus, cela permet de substituer uniquement les opiacés (héroïne, morphine,…).
Par conséquent, la nécessité pour elles et eux de sortir plus régulièrement, de faire la manche, de se débrouiller pour trouver l'argent nécessaire, les expose à être souvent verbalisés et brutaliséspar la police, comme pour Mohamed Helmi Gabsi, 34 ans, mort à Béziers, le 8 avril, des suites d'une arrestation pour non-respect du couvre-feu par la police municipale de Robert Ménard.
Inégalités sociales aussi face aux drogues
Les inégalités en matière de drogues sont plus flagrantes que jamais ; pour la bourgeoisie, les caves sont pleines de bonnes bouteilles ; la cocaïne, le cannabis et autres substances récréatives sont livrés à domicile, moyennant un peu plus d'argent, et ce sont leurs revendeurEs qui s'exposent aux risques judiciaires.
Pour les consommateurEs précaires, les gens des squats, de la rue, les zonardEs, les sans-dents, c'est la galère, le manque, les amendes, les violences, les insultes parce qu’elles et eux sont toujours dehors à traîner.
Les structures d’hébergement social sont inadaptées à leurs modes de vie, à leurs consommations et inadaptées aux risques du Covid-19 (hébergements collectifs, gymnases). Elles sont davantage une stratégie de contrôle de ces populations que de protection alors que des milliers de logements et immeubles vacants pourraient être réquisitionnés.
Construire avec les premierEs concernés une nouvelle approche
Malgré les difficultés que rencontrent les consommateurEs, la guerre à la drogue ne s'arrête pas et la politique française répressive en la matière s'abat sur les plus fragiles. Pourtant, une autre approche est possible, elle demande de l'inventivité, de briser les barrières mentales. Les pistes sont nombreuses, elles commencent avec la dépénalisation généralisée sur toutes les drogues et avec des moyens plus importants pour les structures de soin en addictologie pour aider et accompagner celles et ceux qui souhaitent et nécessitent d'être soutenus.
À l'image des Cannabis Social Clubs, une autre manière de penser la production, la vente et la consommation des substances psychoactives est possible. Nous ne voulons pas d'une légalisation capitaliste faisant de la drogue un nouveau marché pour la bourgeoisie, ni d'un contrôle médical des drogues qui prive les consommateurEs de leur expertise en la matière. Il nous faut inventer une manière de produire, de distribuer, de consommer, gérée de façon démocratique et sociale par les consommateurEs elles-mêmes et eux-mêmes. Il faut se garder des solutions toutes faites prépensées par la bonne société, même bienveillante, mais construire avec les premierEs concernés une nouvelle approche qui tourne le dos aux mafias et aux capitalistes.