Éditions Favre, 2024, 176 pages, 17,50 euros.
«Le client est roi ». Expression rabâchée, véritable mot d’ordre dans bon nombre d’entreprises de services ou commerces. Dans ce livre basé sur ses propres expériences, Racha Belmedhi nous rappelle un peu pourquoi les rois, parfois, on leur coupe la tête.
Emploi sous-qualifié ?
« Si tu ne travailles pas à l’école, tu finiras caissierE ! » Celleux d’entre nous ayant reçu les notions de base de l’éducation trouvent absurde d’émettre ce type de jugement. Pourtant, loin d’être un mythe, cette expérience est vécue par beaucoup d’hôteSSEs de caisse. Non contents de sous-considérer ces métiers, certains pensent qu’il est admissible de l’exprimer franchement. La réalité est tout autre : nombre de ces emplois considérés comme dégradants sont occupés par des étudiantEs, des personnes cumulant les emplois précaires — l’autrice ne peut vivre de ses seuls revenus de journaliste — ou immigréEs plus bardéEs de diplômes que leurs clientEs mais qui, parce que raciséEs ou femmes, n’ont pas accès à des postes plus valorisants. Quand bien même, le respect devrait-il être proportionnel au niveau d’études, de revenus ? Ces métiers requièrent plus de qualifications que ne veulent le voir les regards extérieurs, à commencer par une bonne dose de patience.
De la déshumanisation à la violence
Dans une société où domine la surconsommation et le « tout, tout de suite », les clientEs sont de plus en plus exigeantEs. Et feignantEs. Que celleux qui ne se sont jamais fait livrer de pizza un soir de pluie leur jettent la première pierre. Il est plus simple de ne pas penser à l’autre, qui doit pallier notre flemme et nous livrer nos repas, laver nos WC ou nous manucurer les ongles. Sans parler de celleux qui se pensent supérieurEs parce que plus aiséEs ou diplôméEs, qui trouvent légitime d’ignorer la plèbe à son service, ne pas voir nous épargne d’assumer cet esclavagisme moderne tant la plupart de ces emplois sous-payés ont une relation complexe avec le code du travail. Or, plus nous déshumanisons ces employéEs, plus notre temps nous semble plus précieux que le leur, plus nous rendons les comportements grossiers acceptables, avec les dérives violentes que cela entraîne, allant parfois jusqu’au décès.
Post-confinement, les employéEs de services, pourtant travailleuEs essentielLEs, sont les grandEs oubliéEs du « monde d’après ». Racha Belmehdi nous amène ici à penser un peu à celleux qui restent toujours trop invisibiliséEs.