Comme c’était prévisible, Stéphane Le Foll est rentré bredouille de Bruxelles. Non seulement la Commission n’entend pas revenir sur la suppression des quotas laitiers, ce que le ministre français n’a d’ailleurs pas demandé, mais elle ne propose aucun mécanisme pour maîtriser une production en nette hausse alors que la demande mondiale diminue. En l’absence de régulation les éleveurs accroissent la production laitière dans une course folle où augmenter les volumes leur semble le seul moyen de compenser la baisse des prix ; droit dans le mur puisque la surproduction provoque un nouvel effondrement des cours pour le seul bénéfice des industriels.La Commission accepte des aides au stockage, retrait provisoirement d’une partie des excédents pour les écouler quand les prix flambent, mais une formule adaptée aux productions soumises aux aléas climatiques n’est d’aucune efficacité quand les quantités produites augmentent en permanence.
Quant aux producteurs de viandes, notamment de porc, Stéphane Le Foll n’a rien de plus à leur proposer que de nouvelles aides d’urgence, assorties de baisses des cotisations sociales. La maîtrise des productions et un prix plancher ne fait pas l’unanimité des Etats membres engagés dans une rude concurrence. Pas de quoi calmer leur colère, notamment celle des éleveurs bretons, qui se traduit encore ce mercredi 17 février par le blocage du périphérique de Rennes, après celui de Vannes. Autre motif de protestation, le retard dans le paiement des aides PAC 2015 : ce mardi quelques bottes de paille ont brûlé à Montreuil devant le siège de l’Agence de services et de paiement, la FNSEA prenant soin d’ajouter aux exigences financières le refrain habituel contre les contraintes et la paperasse. Et si un nombre croissant d’éleveurs comprennent le rôle néfaste des groupes industriels et de la grande distribution c’est la cacophonie au niveau des revendications.
Au grand dam des dirigeants de la FNSEA l’idée d’un prix minimum couvrant les coûts et assurant un revenu correct, dans le cadre d’une production maîtrisée, fait son chemin. Sous des formes diverses elle est portée par la Confédération paysanne, la Coordination rurale et le MODEF ; mais elle va à rebours du libéralisme dominant. La tentation du protectionnisme surgit logiquement, mais elle est pleine de contradictions. Protectionnisme européen ou français, cette seconde version implique de renoncer à la politique agricole commune, ce que le Front National est le seul à défendre avec malheureusement un certain écho… tout en plaidant pour un rapprochement avec Poutine pour obtenir la levée de l’embargo russe. Le retour à la préférence communautaire, position du PCF et du MODEF, se heurte à la réalité de la crise actuelle : la concurrence acharnée oppose des pays européens pour le partage du marché communautaire et celui des exportations hors Europe. Ceux qui rêvent d’une régulation vertueuse et d’une relocalisation des productions dans le cadre du système se fourvoient. On ne sortira pas des crises agricoles à répétition sans sortir du capitalisme.
Mais tout en soutenant le droit des agriculteurs à vivre de leur travail nous devons avant tout combattre le danger d’une extrême droite qui entend instrumentaliser la colère d’une classe moyenne désespérée en prétendant s’opposer au libéralisme.
Gérard Florenson