Huit ans après, l’affaire Kerviel revient devant la justice pour une demande devant la Cour de cassation de révision du procès et devant la cour d’appel de Versailles qui doit réexaminer le montant exorbitant des dommages et intérêts - 4,9 milliards d’euros - réclamés par la Société générale.
Au même moment, sont publiés dans la presse les propos tenus par une magistrate, Chantal de Leiris, ancienne vice-procureure du parquet de Paris, travaillant à la section financière et chargée à ce titre du dossier en 2008 et 2012. Ces propos confirment la déposition faite par la commandante de police Nathalie Le Roy qui avait été écartée de l’enquête. « Quand vous en parlez, tous les gens qui sont un peu dans la finance, ils rigolent, sachant très bien que la Société générale savait. (...) La Société générale savait, savait, c’est évident, évident », déclare la magistrate...
Oui, c’est évident, la Société générale savait. Elle sait surtout qu’elle spécule en permanence au casino de la finance mondiale. Elle a laissé son trader engager plus de 50 milliards d’euros, à l'époque 1,5 fois les fonds propres de la banque, sur les marchés. Ce récit vient aussi confirmer « les pressions, des ordres venus d’au-dessus, de la hiérarchie » pour ne surtout pas rouvrir le dossier.
« J’ai eu le sentiment d’avoir été instrumentalisée par la Société générale », avait confié l’enquêtrice de la brigade financière. La magistrate confirme tous les manquements de l’enquête : destruction de messages internes demandée par des responsables de la banque ; effacement de parties des bandes censées avoir enregistré les conversations entre Jérôme Kerviel et sa hiérarchie ; refus de toutes les expertises sur les pertes de la Société générale, alors que l'État lui a consenti 2 milliards d'euros de crédit d'impôt, aussitôt reversés aux actionnaires ; refus d'entendre les témoins ; pressions de la Société générale, des pouvoirs publics…
Trader zélé, Kerviel s’est prêté à cette folie spéculative, jouet de ceux qui tirent les ficelles, soumettent les pouvoirs publics qui sont leur débiteur à leur volonté, ou plient la justice à leurs intérêts. Leur véritable procès, ce sera la population, les travailleurs, toutes les victimes quotidiennes de cette folie financière, qui le feront pour décréter une condamnation sans appel...
Yvan Lemaitre