Publié le Mercredi 22 avril 2020 à 22h34.

L’école à la maison… pas pour tout le monde

Je m’appelle Mohamed, je suis un menuisier retraité franco-tunisien. Je vis confiné dans une tour de la cité Saint Hilaire à Lormont avec mes deux enfants, Émir, 10 ans, et Iram, 9 ans. Veuf, je m’occupe de tout à la maison, de la cuisine, de l’éducation des enfants. Mon petit boulot de distribution de prospectus à mi-temps s’est interrompu avec le confinement…

Je n’ai jamais eu de quoi me payer un ordinateur ni une imprimante. J’ai juste un téléphone portable avec lequel je peux me connecter sur l’espace numérique de l’école. On est obligé de se débrouiller, et ce n’est vraiment pas très pratique. Nous transmettons les messages de l’école reçus par le téléphone portable sur l’ordinateur de ma fille aînée qui vit à Nice, et c’est elle qui me renvoie les cours par Messenger !

C’est l’institutrice d’un de mes enfants qui a pensé à contacter la presse pour dénoncer la situation que nous vivons. Un article est paru sur le site de France 3 le 11 avril 2020. Dans la classe de son école à Lormont, en zone d’éducation prioritaire, 6 élèves sur 23 sont dans le même cas qu’Émir, avec juste un téléphone portable pour recevoir des mails, alors qu’ils se préparent à passer en collège.

« Je leur envoie un maximum de ressources pour qu’ils progressent mais en même temps, je sais très bien que seuls ceux qui sont équipés et qui sont soutenus par leurs parents vont progresser ! On essaie de garder le lien en téléphonant régulièrement à ces familles mais c’est tout ce qu’on peut faire. Clairement, on n’avance pas ! Il faudrait que la municipalité prête plus d’ordinateurs et de tablettes à ces familles en difficulté », dit l’institutrice dans l’article. Avec les maîtres, ils ont demandé à avoir des tablettes et ordinateurs à la mairie qui a refusé. Le ministère de l’Éducation nationale dit qu’il va mettre en place des cours de soutien durant la deuxième semaine des vacances de Pâques. La nouvelle rectrice de l’Académie de Bordeaux promet des cours individuels ou par petits groupes de 3 à 5 élèves, par téléphone ou par vidéoconférence.

Mais tout cela est bien loin de nous. Et l’institutrice a bien raison de demander : « Comment voulez-vous que les élèves que nous n’arrivons même pas à joindre au téléphone se manifestent pour bénéficier de ces stages ! Il faut les aider autrement, leur prêter des tablettes, des ordinateurs ».

Le confinement et l’école à la maison aggravent les inégalités et injustices que nous combattons ensemble, enseignants et parents des quartiers populaires.