Publié le Samedi 24 janvier 2015 à 18h42.

Air France : la peur doit changer de camp !

La presse s’est fait abondamment l’écho de confidences (d’un membre du conseil d’administration, d’un syndicaliste et d’un membre de la direction, mais toujours anonymes…) qui annonceraient des milliers de nouvelles suppressions d’emplois...

Ces rumeurs sont bien évidemment lancées par la direction Air France. Et du coup, cette même direction se fend d’un communiqué rassurant/inquiétant sur le mode « rien n’est encore décidé, mais oui nous voulons encore imposer des sacrifices aux salariéEs, nous allons rencontrer les syndicats, rien ne presse mais la situation l’impose »… Pourquoi ce remake du toujours même scénario ?La direction a peur des réactions des salariéEs qui en ont assez de l’austérité imposée depuis plusieurs années, des efforts sans contrepartie. En effet, les élections de délégués du personnel et du comité d’établissement vont avoir lieu le 12 mars 2015. L’occasion pour les salariéEs de montrer leur mécontentement et de rappeler certains syndicats à leur rôle de défense des salariéEs. De plus, les négociations salariales doivent s’ouvrir mi-février. Le résultat brut d’exploitation (EBITDA), véritable indicateur avant traficotage comptable, est en hausse constante depuis 2010. Il est passé de 0,3 à 1,8 milliard d’euros en 2013, et 2014 s’annonce aussi bon, avec un chiffre d’affaires AF/KLM de 25 milliards...Et pour 2015, c’est le bingo qui s’annonce. Il y a le plein effet des mesures salariales du plan Transform (5 000 emplois supprimés, les indemnités de départs volontaires ont été absorbées sur 2013 et 2014), environ 300 millions d’euros de gains. S’y ajoutent les cadeaux de nos gouvernements : suppression de taxes payées par Air France (135 millions d’euros), aide de Bruxelles de 26 millions d’euros, aide de 57 millions d’euros au titre du CICE... Avec la baisse du pétrole, le prix du baril de kérosène a baissé de moitié ! Rappelons que la facture carburant de Air France/KLM a été de 9,2 milliards de dollars en 2013 ! Ainsi, Lufthansa a par exemple annoncé une baisse de 900 millions d’euros de sa facture carburant pour l’année 2015. Et s’il n’y a pas de nouvelle grève des pilotes, 300 millions d’euros s’ajouteront au résultat.

La question salariale devient pressanteD’un côté, il y a la pression des salariéEs pour des hausses de salaire, et de l’autre les actionnaires trouvent qu’Air France ne dégage pas assez de cash. Et la cure d’austérité salariale a aussi été appliquée dans les autres compagnies aériennes, ce qui relance la guerre tarifaire.Alors les patrons relancent le même discours – il faut accepter des sacrifices – et vont proposer des départs ou des mutations plus ou moins volontaires dans les secteurs où ils veulent sous-traiter, voire fermer des activités pas assez rentables (escales, cargo…). Ils comptent trouver des syndicats complaisants pour rejouer le même argument : acceptons les sacrifices du moment que nous gardons nos emplois…Durant la même période, les patrons ne se sont pas oubliés : en 2013, les 10 plus hauts cadres ont vu leur salaire annuel augmenter en moyenne de 27 000 euros, et le PDG du groupe AF/KLM De Juniac ne parle plus d’abandonner par solidarité la moitié de sa part variable, ce qui devrait faire passer son salaire de 750 000 euros au million d’euros (sans compter ses émoluments au titre de membre du conseil de surveillance de Vivendi, ses nombreuses réunions liées à la vente de SFR).Dans ce contexte, la question salariale devient donc pressante, et les salariéEs marchent moins facilement au chantage à l’emploi car il y a beaucoup de travail. L’aérien poursuit son expansion.

Correspondant