À l’heure où nous écrivons ces lignes, le puissant débrayage des cheminotEs qui a impacté comme rarement les circulations au niveau national semble toucher à sa fin. Mais, quoi qu’en disent la SNCF et le gouvernement, la situation est loin d’être revenue à la normale : les trains ne roulent pas tous et la colère est toujours là, autorisant tous les rebondissements.
À la rage déjà ancienne contre les sales coups d’une direction assoiffée de rentabilité et contre les plans du gouvernement qui a toujours les cheminotEs dans le viseur, s’ajoute désormais la fierté. La fierté d’avoir mis en panique la SNCF et le gouvernement pendant trois jours de débrayage national et majoritaire. La fierté aussi d'avoir fait fi de tous les règlements anti-grève en vigueur dans le secteur public et d’avoir « posé le sac » en application du droit de retrait face à l’urgence d’une situation dangereuse.
Nos vies valent plus que leurs petites économies
À Saint-Pierre-sur-Vence dans les Ardennes mercredi 16 octobre, un TER a percuté un convoi exceptionnel sur un passage à niveau. Le conducteur, blessé, a dû parcourir un kilomètre et demi à pied sur les voies pour empêcher une nouvelle collision. Les voyageurEs sont restés sans aide pendant de longues minutes. La présence de contrôleurs à bord aurait permis de gérer l’incident : leur tâche principale est d’accompagner les voyageurEs, d’assurer la sécurité ferroviaire, pas de mettre des amendes.
Tout dans cet accident était prévisible et aurait pu être évité. Les passages à niveau génèrent un accident tous les trois jours, 36 morts par an en moyenne. Mais il n’y a pas d’argent pour les remplacer. À cette incurie de l’État s’ajoutent les économies budgétaires de l’entreprise. En autorisant les TER à circuler avec unE seulE cheminotE à bord, le ou la conducteurE, la SNCF sait qu’elle prend un risque. Un risque « calculé », c’est-à-dire rentable. Depuis quelques mois, l’introduction dépôt par dépôt de cette conduite « à agent seul » a déclenché des grèves qui sont restées dispersées. La direction a ignoré ces avertissements.
« C’est le gouvernement qui mène une politique sauvage » (Philippe Poutou)
C’est ce qui explique la réaction épidermique des cheminotEs dès qu’ils et elles ont appris les circonstances de cet accident prévisible. Le mouvement de droit de retrait a été unanime en région Champagne-Ardenne dès le jeudi matin et national le vendredi matin, avec des pointes dans les régions de Toulouse et de Tours.
Ministres et patrons de la SNCF parlent de grève « surprise », comme si elle avait été organisée en secret pour couler les départs en vacances de la Toussaint, ou encore de grève « sauvage ». Mais les sauvages sont ceux, comme Guillaume Pepy et Édouard Philippe, qui promettent des poursuites judiciaires aux cheminotEs qui défendent leur peau et celle des usagers. Ils saturent les ondes de menaces contre celles et ceux qui leur tiennent tête, mais n’ont pas un mot sur l’accident grave à l’origine du débrayage et ne prennent aucune mesure pour éviter un nouveau drame.
Coup de semonce contre les attaques patronales et gouvernementales
Ce débrayage massif pour défendre la peau des cheminotEs et celle des voyageurEs s’inscrit dans un contexte plus large. Car les revendications en faveur de la sécurité ferroviaire rejoignent celles de bien des secteurs en lutte : des moyens et des embauches. C’est ce que réclament les pompierEs, les hospitalierEs, mais aussi les salariéEs du privé en butte aux licenciements, ou ceux des usines dangereuses classées Seveso. Ces revendications font partie des mesures d’un plan d’urgence – augmentation des salaires et des minima sociaux, interdiction des licenciements, partage du travail sans perte de salaire, embauches massives dans les secteurs socialement utiles – que nous pourrons opposer à la contre-réforme des retraites que prépare le gouvernement.
Cette levée de bouclier salutaire des cheminotEs est un nouvel avertissement au gouvernement et au patronat, après la grève exceptionnelle de la RATP du 13 septembre.
CorrespondantEs