La crise des semi-conducteurs qui bloque les chaînes automobiles est mondiale. Tous les constructeurs sont impactés. De nombreuses usines voient leur production freinée, voire carrément interrompue à cause du manque de puces électroniques, désormais essentielles dans la production de voitures. Le retour à la normale n’est pas pour demain, et les capitalistes du secteur entendent bien maintenir leur profits en faisant payer le prix de cette pénurie aux travailleurEs.
Portés par la reprise et arrosés d’argent public, les constructeurs auraient pourtant largement de quoi compenser l’impact du manque de pièce en piochant dans leurs réserves. Un exemple : les profits de Stellantis (PSA/Fiat/Opel/Chrysler/…) atteignent des records cette année : 6 milliards d’euros rien que pour le 1er trimestre 2021 ! Si les actionnaires se réjouissent des progrès de la marge opérationnelle (11,4 %), cette surexploitation ne laisse pas le même goût aux salariéEs. Un témoignage sur cette politique patronale à l’usine PSA Mulhouse.
SalariéEs jetables
Sur le site de Mulhouse, depuis le retour des congés d’été, l’aggravation de la crise des semi-conducteurs a eu pour conséquence de repousser la création d’une nouvelle tournée pour le lancement de la nouvelle 308. Les conséquences les plus terribles ont été pour les intérimaires. Ce sont ainsi près de 400 intérimaires à peine formés ou en train de l’être qui ont été virés en une semaine. Des intérimaires de la région, mais également certains venus parfois de très loin comme de nombreux migrants soudanais que Stellantis a fait venir des quatre coins de la France et qui avaient l’espoir d’un travail et d’une vie meilleure. La direction ne s’est pas souciée du prix que cet espoir leur a coûté : vie personnelle, déplacement, logement, etc.
C’est le même sort qu’ont subi il y a quelques jours la cinquantaine de travailleurs italiens d’une usine Fiat de la région de Naples, « prêtés » sur le site. Certains venaient tout juste d’arriver. La direction avait promis du travail au moins jusqu’à la fin de l’année. Précaires ou nomades de l’industrie sont jetés comme des kleenex. De nombreux et nombreuses salariéEs ont été choqués par les méthodes de la direction. Sur le site de Sochaux par exemple, jeudi 9, après l’annonce du renvoi de 650 intérimaires et des mutations forcées de 200 travailleurEs pour les remplacer, deux débrayages d’une vingtaine de travailleurEs ont eu lieu sur chaque tournée pour protester contre les décisions de la direction.
Accélération des cadences
Il est d’ailleurs question maintenant de faire venir des travailleurEs du site de Sochaux, à 70 kilomètres de Mulhouse, où la direction vient d’arrêter une équipe de nuit et s’apprête à faire tourner l’usine sur une chaîne. Il se dit que s’il n’y a pas suffisamment de « volontaires », ce serait des mutations forcées... avec menace de licenciement si les salariéEs n’acceptent pas.
La pénurie de semi-conducteurs n’entraîne pas seulement l’augmentation des journées chômées pour de nombreux secteurs de l’usine, mais également l’aggravation des conditions de travail. En effet, lorsqu’ils reçoivent leurs semi-conducteurs, c’est la course ! Et tous les samedis sont annoncés comme travaillés, tout comme les rallongements d’horaires sont devenus la norme, 10 minutes de plus chaque jour, pré-production, augmentation des vitesses de lignes… Plusieurs postes en chaîne risquent d’être supprimés, alors même que la production va passer de 52 à 55 véhicules/heure, soit du temps en moins pour faire le même travail ! Alors qu’on est sur le lancement d’un nouveau véhicule avec la 308, la direction privilégie les gros modèles, sur lesquels elle fait le plus de marge : la DS7 Crossback et la 508, les SUV et les hybrides. Mais c’est sur ces véhicules qu’il y a le plus de travail ! Nos postes déjà surchargés sont tout simplement intenables.
Pour Stellantis, nos vies et notre santé ne valent que tant qu’elles rapportent du profit. Mais si l’écœurement prime pour le moment, il ne manque pas grand-chose pour que celui-ci se transforme en colère.