Publié le Dimanche 13 mars 2022 à 12h07.

Réfugiés ukrainiens et accueil des cheminots

L’invasion de l’Ukraine le 24 février dernier a déjà jeté sur les routes deux millions de réfugiés. Alors que la campagne électorale faisait la part belle aux préjugés racistes sur les migrants, on a assisté à un spectaculaire changement de braquet autour des réfugiés ukrainiens, même de la part d’indécrottables réactionnaires.

La direction de la SNCF, comme beaucoup, y est allée de son geste de solidarité en décidant de la gratuité des trains pour les personnes fuyant l’Ukraine. La majorité des cheminots a salué cette décision comme juste et nécessaire mais sans aveuglement sur les différents problèmes que cette mesure met en évidence.

Car jusqu’à présent, les réfugiés n’étaient pas les bienvenus dans les gares. L’accueil qui leur était réservé, c’était les rafles de la Police aux frontières (PAF). Et la SNCF y a souvent joué son rôle, en demandant aux cheminots de signaler les migrants à la police ferroviaire, d’identifier les trains qu’ils prenaient pour les attendre à l’arrivée. Bien sûr, la majorité a toujours refusé de tremper dans ces abjections.

Les agents ne feront pas de tri

Avec l’arrivée des réfugiés ukrainiens, les consignes ont changé : il n’est plus demandé de leur faire la chasse mais de leur éditer des billets gratuits. Les cheminots ont reçu des plaquettes d’information expliquant les détails tarifaires et la façon de reconnaître un passeport ukrainien. On ne peut que s’en réjouir mais… et les autres ?

Pour les réfugiés syriens, érythréens ou afghans rien ne change. Sur un « accueil embarquement », si des réfugiés ukrainiens et des réfugiés d’une autre nationalité arrivent en même temps, il faudrait donc embarquer les uns dans le train et les autres dans un fourgon de la PAF. Le problème se pose concrètement à de nombreux cheminots qui, souvent, refusent de trier entre les réfugiés qui fuient une Ukraine ravagée par l’actuel rival de la France, Poutine, et ceux qui fuient des pays ravagés par la France elle-même ou ses alliés.

Difficile, donc, de gérer ce virage à 180 degrés de la SNCF. Mais qu’on se rassure, la direction n’a pas perdu la boule ! En réalité, sa solidarité avec les réfugiés ukrainiens, c’est en grande partie de la communication. Le train est gratuit, certes, mais aucun accueil n’est prévu pour celles et ceux qui arrivent exténués ou qui n’ont nulle part où passer la nuit en attendant leur train. Suite à cette annonce, les notes de service ont d’ailleurs fusé pour interdire aux cheminots de laisser dormir les réfugiés dans les gares. « Qu’ils partent gratuitement, mais qu’ils partent vite » semble être le véritable esprit de cette générosité patronale.

Accueil, hébergements, correspondances… tous les aspects du problème que la direction de la SNCF ne souhaite pas voir, ce sont souvent des cheminots qui les prennent en charge, par des gestes de solidarité du quotidien. Car notre solidarité de travailleurs est d’un tout autre tonneau. Elle n’est conditionnée par aucun intérêt impérialiste, comme celui des industriels et marchands d’armes français. Elle va, sans calculs, aux travailleurs de tous les pays.