Lundi 23 janvier, le ministre Franck Riester a avoué dans une interview donnée sur LCP que les femmes seraient « évidemment un peu pénalisées » par le report de l’âge légal de départ à la retraite.
«On n’a jamais dit que tout le monde était gagnant », a-t-il déclaré, à rebours de tous les discours que le gouvernement nous rabâche depuis des semaines.
Le gouvernement patauge
Dès le lendemain à l’Assemblée nationale, Élisabeth Borne a tenté de convaincre l’hémicycle du contraire en démentant les propos de son ministre : « Je ne peux pas laisser dire que notre projet ne protégerait pas les femmes. Au contraire. […] Les femmes seront les premières bénéficiaires de la revalorisation des petites pensions. »
Il est vrai que le projet de loi prévoit une pension minimale fixée à 85 % du Smic, soit 1 200 euros. Mais il n’y a vraiment pas de quoi se féliciter, 1 200 euros ce n’est toujours que 100 euros au-dessus du seuil de pauvreté. Et en dépit des grandes déclarations d’intention, les femmes et minorités de genre risquent de ne pas pouvoir les toucher. En effet, cette pension minimum ne pourrait être perçue qu’en cas de carrière complète à temps plein. Impossible d’y prétendre en cas de carrière incomplète ou avec une proportion de temps partiels trop importante. « On récompense plus ceux qui ont travaillé toute leur vie que ceux qui ont moins travaillé. C’est la logique du système », commente le cabinet d’Élisabeth Borne1. Tout est dit.
Un projet qui accentue des inégalités déjà existantes
C’est bien là tout le cœur du problème. Car « ceux qui ont moins travaillé » sont souvent les femmes et minorités de genre. Elles sont plus susceptibles d’avoir des carrières hachées, discontinues, notamment pour s’occuper d’enfants ou d’adultes dépendants. Elles représentent en outre 80 % des employéEs à temps partiel, et plus de 60 % des personnes qui touchent le Smic. Même quand elles ont travaillé à temps plein, c’est en percevant des salaires 16 % moindre que ceux des hommes, ce qui se traduit inévitablement par des pensions de retraite plus petites (40 % en moyenne).
Actuellement, les femmes et minorités de genre ont deux possibilités. Premièrement, renoncer à une retraite à taux plein. Deuxièmement (et c’est le cas d’une femme sur cinq), travailler jusqu’à 67 ans, l’âge au-delà duquel la décote n’est plus appliquée. Le gouvernement prétend que sa réforme va réduire les inégalités de genre à la retraite. C’est pourtant l’inverse qu’il nous réserve, car l’allongement de la durée de cotisation va amplifier tous ces phénomènes. Que faudrait-il faire, alors ? Réduire le temps de travail, productif comme reproductif, et le répartir entre toutes et tous ! C’est la seule politique féministe crédible.
Grève générale féministe jusqu’au 8 mars
Chaque attaque antisociale, chaque réforme ultralibérale comme celle des retraites est aussi une attaque antiféministe. Cet effort permanent pour faire le lien entre les luttes sociales, féministes, antiracistes, écologistes, est au cœur de notre combat anticapitaliste.
Cette année, le 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes et des minorités de genre, aura lieu, on l’espère, en plein cœur d’une mobilisation sociale d’ampleur. Il s’agit de créer les conditions pour que cette date ne soit pas une échéance séparée du reste du mouvement social ou une manifestation facultative mais, au contraire, un 8 mars de lutte qui s’insère dans la riposte collective contre Macron. Ce 8 mars nous ferons la grève féministe, c’est-à-dire la grève du travail salarié mais aussi du travail non salarié, domestique, gratuit, qui est encore aujourd’hui assumé en grande majorité par les femmes et minorités de genre. Nous défendons un autre projet de société, un projet fondé sur la solidarité et la répartition des richesses, car nous voulons vivre dignement, avant, pendant et aussi après le travail. Premières concernées, les femmes et minorités de genre sont les premières mobilisées contre le projet de réforme des retraites !
- 1. Dan Israel, « Le mirage des petites retraites à 1 200 euros », Mediapart, 15 janvier 2023 : https://www.mediapart.fr…