Nous avons présenté le combat de Baba Jan, dans les pages de cette revue, en novembre 2014. Nous nous mobilisions déjà à l’époque pour obtenir sa libération. En fait, la campagne internationale de solidarité a commencé dès 2012, avec des moments forts et des périodes de latence, mais elle n’a jamais cessé.
Baba Jan était un dirigeant du Parti pakistanais du travail (LPP) et, après une fusion, est devenu l’un des membres de la direction de Parti awami des travailleurs (AWP). Son crime, impardonnable, est d’être une figure très populaire au Gilgit-Baltistan, un Etat himalayen semi-autonome sous domination pakistanaise. Il doit être mis à l’écart, pour de bon.
Nous avons plus d’une fois craint pour sa vie. Baba Jan a été emprisonné pour avoir soutenu les revendications de la population d’Ali Abad, dans la vallée d’Hunza, sinistrée après la formation d’un lac artificiel due à un glissement de terrain. Les services secrets ont fait pression sur lui pour qu’il adhère à un parti bourgeois. Devant son refus, ils l’ont enlevé. Ce fut l’un des rares cas ou le mouvement de solidarité s’est réjoui du retour en prison (vivant) d’un militant ! Une victoire – ponctuelle.
En détention, Baba Jan a été torturé et sa vie restait en danger. Il est facile de faire assassiner quelqu’un en prison. La mobilisation au Pakistan et la campagne internationale ont obtenu sa libération sous caution, près d’un an après son incarcération. Une autre victoire – temporaire.
Quand la justice a ordonné sa remise en détention, Baba Jan avait le choix : partir en exil ou obtempérer. Il n’a pas voulu abandonner ses camarades, poursuivis sur le même chef d’accusation que lui, et les a rejoints… Avec eux, il a été condamné à une peine équivalant à une perpétuité.
Il est resté, en prison, une figure militante de référence. En réussissant, en 2014, à unir les détenus chiites et sunnites dans une grève commune pour le respect du règlement (qualité de la nourriture, suivi médical), sans aucune violence. En 2015, bien que taulard, il est arrivé en deuxième position dans sa circonscription lors d’une élection à l’assemblée de l’Etat, très loin devant le troisième candidat.
Deux victoires qui ont eu un prix. Le pouvoir sait que si Baba Jan se présente à nouveau à des élections, il l’emportera. Il n’en est donc pour eux pas question. Le rôle qu’il a joué dans le mouvement des détenus lui a valu une seconde condamnation équivalant à une perpétuité !
Dans le cours de la campagne de défense, des victoires « durables » ont été obtenues. D’autres détenus que Baba Jan ont été libérés – ce fut le cas pour six d’entre eux en 2015.
La figure de Baba Jan a mille facettes. Celle du militant de la cause climatique, pour son engagement après la catastrophe d’Ali Abad. Celle d’un défenseur acharné des droits humains. Celle d’une personnalité nationale qui combat l’oppression exercée par le pouvoir pakistanais et la mainmise chinoise au Gilgit-Baltistan. Celle d’un militant politique qui poursuit son combat en toutes circonstances. Autant de raisons pour lesquelles nous le défendons – et pour lesquelles les autorités ne veulent pas le libérer. Tous les appels sur le fond ont été rejetés.
En dernier recours, la cour suprême doit statuer sur la forme. Les vices de forme ne manquent pas ! La campagne internationale a été relancée, avec un succès sans précédent. En un temps record, plus de 500 signatures ont été réunies, provenant de 45 pays, incluant de nombreux députés, maires et autres élus ; intellectuels et universitaires de renom ; cadres de mouvements syndicaux, sociaux et associatifs, féministes ; organisations de défense des droits humains, citoyennes et citoyens…
Une nouvelle victoire (temporaire) a été obtenue : la suspension de la sentence de deux des 14 condamnés qui passaient conjointement en appel et le report du jugement pour les autres (dont Baba Jan). La défense exigeait ce report pour que des avocats de premier plan puissent se présenter. La Cour se réunira donc juste après la période de ramadan en cours – ce qui nous laisse un peu de temps pour poursuivre la campagne.
Pierre Rousset
Envoyez les signatures via Europe Solidaire.