Pour la première fois, le Forum social mondial (FSM) vient d’avoir lieu dans un pays arabe et méditerranéen. Ce qui était impensable avant 2011, tant que les Ben Ali et Moubarak étaient au pouvoir, a pu se réaliser grâce aux révolutions arabes. Une grande rencontre d’environ un millier de participantEs pour le non-paiement de la dette a précédé ce FSM, une dette contractée par l’ancienne dictature au détriment du peuple tunisien, et qui emprisonne les choix économiques des gouvernements futurs. Autour du Front populaire de Tunisie, une vingtaine de formations politiques des pays du pourtour méditerranéen – ainsi que de Belgique, Haïti et du Venezuela – ont tenu ensemble un grand meeting de clôture (voir Tout est à nous ! n°189). Au cœur des mobilisations internationalesMardi 26 mars au matin, avant l’ouverture du forum, des délégations d’organisations syndicales françaises (Sud, CGT) ainsi que du NPA participèrent à un rassemblement au siège de Téléperformance pour soutenir les grévistes de la multinationale. Cette entreprise assure le « service de clientèle » de plusieurs grandes entreprises françaises. Depuis fin février, une partie de ses salariés sont en grève avec le soutien de l’UGTT (voir Tout est à nous ! n°187). Lundi 1er avril, la grève chez Téléperformance a d’ailleurs connu un nouveau pic, avec plus de 80 % de participation. Au nord et au sud de la Méditerranée, les luttes sociales transnationales (dans le secteur des télécommunications, dans la métallurgie avec ses sous-traitants…) ont aussi constitué un des grands thèmes du FSM, tout comme la lutte contre la dette illégitime et contre les accords de libre-échange qui lient par exemple la Tunisie ou le Maroc à l’Union européenne et à d’autres pays impérialistes. L’UE a lancé depuis mai 2011 le « partenariat de Deauville », et propose actuellement un « partenariat de libre-échange approfondi » au Maroc, à la Tunisie ou à la Jordanie, accompagné de négociations avec le FMI sur des nouveaux crédits, en Tunisie ou en Égypte. Il s’agit d’enfermer ces pays dans un « modèle » économique néolibéral tourné vers l’exportation en direction du Nord et le paiement de la dette. La critique de ces accords, la meilleure façon de contrer l’offensive actuelle de la Banque européenne de reconstruction et de développement (qui a déjà « accompagné » les restructurations néolibérales en Europe de l’Est), a également constitué le thème de plusieurs ateliers et débats du FSM. Tentative de prise de pouvoir(s)Les forums syndicaux ont, dans certains cas, donné lieu à de vifs affrontements dans la mesure où des syndicats proches du pouvoir étaient présents, notamment dans les cas marocain et algérien. L’UGTA (centrale proche du pouvoir) se disputait ainsi la parole avec les syndicats autonomes algériens. Ceci alors que 96 personnes, appartenant aux syndicats autonomes et à plusieurs associations, avaient été empêchées par les autorités du pays de traverser la frontière pour participer au FSM. En théorie, les pouvoirs étatiques n’ont pas le droit à la parole, dans les Forums sociaux. Une fois de plus, ce principe n’a pas été respecté. Non seulement le pouvoir tunisien a tout fait pour s’approprier la sympathie rencontrée par le FSM, mais il s’y est exprimé, tout comme de nombreuses tendances islamistes. L’organisme US-AID, proche du ministère des Affaires étrangères étatsunien, était ainsi présent au titre d’ONG. Un organisme de propagande du régime iranien montrait en public des slogans négationnistes, parlant des crimes israéliens à Gaza sous le titre « The REAL Holocaust », ce qui revient à dire que le génocide nazi n’aurait pas existé. Et des hommes derrière le stand en question filmaient ostensiblement des opposants. Le royaume d’Arabie saoudite avait, quand à lui, « généreusement » offert au FSM des tentes contre la pluie, qui furent barbouillées rapidement à la peinture rouge. À l’avenir, de telles forces, qui n’ont strictement rien à faire dans un forum progressiste, devraient être efficacement bannies. Pour le reste, ce Forum a permis de nouer des contacts précieux et de travailler à la convergence des luttes, au-delà des frontières nationales et de la Méditerranée. C’est ce travail-là qu’il faudra approfondir, ce qui suppose bien des clarifications politiques. Bertold du Ryon
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