En Cisjordanie, le décalage entre les gesticulations diplomatiques et la réalité du terrain est flagrant.« L’affaire » a fait grand bruit. Alors que le vice-président des États-Unis Joe Biden était en visite en Israël, le ministère israélien de l’Intérieur a annoncé la construction de plus de 1 600 nouveaux logements pour les colons de Jérusalem-Est. Les États-Unis et l’Union européenne ont rapidement dénoncé l’initiative, affirmant qu’elle mettait en péril le « processus de paix » et qu’elle sapait les bases de la « confiance ». L’hypocrisie est totale : malgré le « gel temporaire » de la colonisation en Cisjordanie, annoncé en novembre 2009 par Netanyahu, au moins 3 600 logements sont en chantier aujourd’hui, et pas moins de 500 000 colons vivent en Cisjordanie et à Jérusalem. Israël a récemment déclaré son intention d’inscrire à son patrimoine culturel deux lieux saints situés à Hébron et à Béthléem. Le blocus criminel sur Gaza se poursuit ; chaque semaine, des dizaines de Palestiniens sont arrêtés et jetés en prison... Mais Obama, Sarkozy et autres réussissent à nous parler de « paix » et de « confiance ». Depuis plusieurs semaines, les manifestations se succèdent en Cisjordanie et à Jérusalem contre les expropriations, les arrestations, la construction du mur… La population palestinienne a bien compris que le gouvernement israélien n’avait pas l’intention de remettre en question sa politique coloniale, malgré le retour de la rhétorique des « négociations ». La répression contre ces manifestations est de plus en plus forte : les autorités israéliennes viennent ainsi de décréter que les villages de Bil’in et Nil’in, symboles de la résistance populaire à l’expansionnisme israélien, seraient des « zones militaires fermées » chaque vendredi (jour de manifestation), et ce pour une durée de six mois. De tout ceci, les gouvernements occidentaux ne parlent pas. Il aura fallu qu’Israël provoque les États-Unis pour qu’on ose critiquer Netanyahu. Mais cet événement indique que ce qui inquiète Obama n’est pas tant le sort des Palestiniens que l’échec annoncé des « négociations ». Certains commencent en effet à comprendre que même l’équipe du président Mahmoud Abbas, dont le niveau d’exigence est ridiculement bas, et qui continue à coopérer avec Israël dans les domaines sécuritaires et économiques, ne signera pas un « accord » au rabais alors que la population semble se remobiliser. Comme on le dit dans les territoires palestiniens au sujet des « propositions de paix » israéliennes, « c’est comme si un violeur demandait à sa victime sa position préférée… ». La satisfaction des droits nationaux des Palestiniens passe par une remise en cause de l’ensemble de la politique israélienne, et non par des mini-scandales diplomatiques autour de provocations ponctuelles. Pour y parvenir, il s’agit de mettre un terme à l’impunité d’Israël en développant le mouvement international Boycott-désinvestissement-sanctions (BDS) et de soutenir tous ceux qui, chez les Palestiniens, continuent chaque jour de se battre malgré la répression.
Julien Salingue