C’est un procès spectaculaire et suivi à l’échelle internationale qui s’est ouvert ce lundi 13 mars, à Rabat. Dans la capitale marocaine, 25 militantEs pour l’indépendance du Sahara occidental – dernière colonie « à l’ancienne » en Afrique, occupée jusqu’en 1975 par le colonisateur espagnol et depuis cette date par le Maroc – sont jugés en appel pour des affrontements dans le camp de Gdeim Izik en 2010.
Trois avocatEs français participent au procès et plaident (avec beaucoup de mal) pour les accuséEs... vu qu’aucun avocat marocain ne peut plaider dans un dossier lié au militantisme sahraoui, sous peine de radiation du barreau !
À l’époque des faits, le régime marocain avait fait attaquer le camp de protestation de Gdeim Izik, proche de la ville de Laayoune (la capitale du Sahara occidental occupé), où des Sahraouis déplacés dénonçaient leurs conditions de vie. Ce camp avait été implanté à partir d’octobre 2010 et comptait, au plus fort, jusqu’à 15 000 personnes abritées sous 3 000 tentes. L’attaque puis le démantèlement du camp le 8 novembre 2010, avait déclenché des affrontements dont le bilan exact est encore en discussion. Les autorités prétendent que 11 policiers auraient été tués lors des affrontements, et le Front Polisario, qui milite pour l’indépendance, a de son côté évoqué 36 tués dans ses rangs. Par ailleurs, deux civils ont été tués, 70 blessés et 163 personnes emprisonnées.
Après avoir été torturés, 25 militantEs furent jugés en première instance en 2013, prétendument pour avoir tué les 11 policiers. S’il est probable que certains agents aient trouvé la mort lors des affrontements, les autorités marocaines n’ont jamais publié les noms des « victimes », réelles ou supposées, au nom desquelles elles poursuivent en justice les indépendantistes sahraouis... À la suite de ce procès tenu en 2013, les accusés ont été condamnés à des peines allant de 20 ans de prison jusqu’à la perpétuité. Les seules preuves à charge étaient des aveux... obtenus sous la torture !
Faire le procès de l’occupation
En juillet 2016, le Comité international contre la torture (organisme des Nations unies) a condamné le Maroc pour ces faits de torture. Cela a touché un point sensible, le régime marocain étant engagé dans une campagne de communication qui vise à le présenter à l’international comme un prétendu défenseur des droits de l’homme (surtout depuis la nouvelle Constitution de 2011... qui interdit formellement la torture !). Et au bout de trois ans et demi, les autorités marocaines se sont donc réveillées pour accepter un procès en appel pour les 25 condamnéEs de l’affaire de Gdeim Izik.
Deux audiences se sont tenues jusqu’ici, les 26 décembre 2016 et 23 janvier 2017, avant la réouverture du procès cette semaine. Lors des premières audiences, il était facile de constater que le tribunal avait un parti pris plus qu’affirmé. Dès lors que les mots « torture » ou, pire aux yeux du régime marocain, « territoire occupé », furent prononcés, le président de séance, le procureur et les avocats des parties civiles (familles de policiers) se sont unanimement mis à insulter les avocatEs des Sahraouis. La séance a été levée à plusieurs reprises...
Alors que l’émissaire spécial des Nations unies pour le Sahara occidental, le diplomate étatsunien Christopher Ross, vient de démissionner, en partie à cause des ingérences de la France aux Nations unies au profit du régime marocain, la solidarité en France reste plus que jamais d’actualité. Une solidarité qui va à la fois aux Sahraouis et aux opposantEs marocains.
Bertold du Ryon