Les 5, 6, 7 et 8 février se tiennent les congrès de dissolution de la LCR et de fondation du NPA. Ils étaient prévus la semaine précédente, mais bien des militants étant engagés dans la grève du 29 janvier, il a fallu les déplacer.
Hasard du calendrier certes, mais pas seulement. Les correspondants du NPA lors de la journée du 29 janvier témoignent tous de la même chose. Partout, on réclame les tracts ou les autocollants du NPA, les prises de contacts sont multiples, les cortèges du NPA sont fournis au-delà des attentes, applaudis parfois le long du parcours.
Ceux qui nous disaient que le NPA ne durerait que le temps de l’effet du résultat d’Olivier Besancenot à la présidentielle de 2007 se sont donc trompés. Plus de 9000 cartes à ce jour, 460 comités, et le mouvement s’accélère encore, prouvant que le résultat de la présidentielle n’a été que le symptôme d’un mouvement plus profond. Ceux qui nous ont rejoints ou fait part de leur sympathie, le 29 janvier, étaient loin de la bulle médiatique. C’est la réalité de ceux qui souffrent, sont licenciés, perdent des centaines d’euros par mois du fait du chômage partiel, n’ont plus de logement, vivent la précarité ou l’enfer quotidien des sans-papiers et cherchent un outil pour se défendre et pour révolutionner l’ordre des choses.
Ce qui était frappant, dans les cortèges du 29 janvier, c’était la diversité des professions, des milieux, l’apprenti boulanger côtoyant le professeur, l’ouvrier de Renault le cadre commercial. Une multitude de petites entreprises, un foisonnement de pancartes, des groupes entiers descendant des cités, c’était le monde du travail tout entier, heureux de se retrouver dans la rue, de prendre, encore timidement, la mesure de sa force. Cette journée a concentré les colères et les initiatives des mois précédents : instituteurs entrant en résistance, écoles occupées par les parents, explosion de colère des ouvriers de Renault-Sandouville, grève des cheminots de Saint-Lazare, naissance publique d’une opposition dans la CGT à la politique de négociation de Thibault.
Mais, si le 29 a été un aboutissement, ce n’était pas un point d’arrivée. Il répondait à un besoin de convergences contre le plan d’ensemble de Sarkozy. C’était une étape. Que les confédérations syndicales y appellent ou non, il y aura une suite. Quand ? On ne sait pas. Il faudra peut-être du temps et un autre foisonnement de luttes. Mais elle aura lieu. La grève des enseignants est finie, Darcos cède à celle des lycéens pour éteindre l’incendie. La grève surprend. Hier, à l’ANPE, l’Insee, la Météo, les IUT, dans des manifestations régionales autour de Ford-Blanquefort, à Douai, au Havre, à Saint-Lô. Aujourd’hui, c’est la grève des enseignants-chercheurs et étudiants (lire page 5). Souvent, le NPA est présent, voire acteur principal. On nous disait que notre diversité était fourre-tout et qu’elle mènerait à l’éclatement. Non, la diversité du NPA est portée par un mouvement réel, foisonnant, qui cherche une efficacité, par l’unité dans la lutte, et une intelligence de lui-même, par un programme, une perspective.
Hier, des électeurs de gauche ont voté extrême gauche. Des écologistes liaient l’écologie à l’anticapitalisme. Des altermondialistes ne voulaient plus bâtir à côté, mais renverser le système. Des syndicalistes revenaient à la politique, des associatifs adhéraient à la forme parti, des révolutionnaires cherchaient à s’unir. Il y a peu, il était mal venu de parler d’anticapitalisme ; aujourd’hui beaucoup pensent qu’il faut renverser le capitalisme. Le mouvement qui se cherche prend peu à peu conscience de lui-même. En 2005, les banlieues s’enflammaient contre ce monde sans avenir pour la jeunesse des cités. En 2006, la jeunesse luttait contre le CPE, symbole de la précarité. Il y a eu des mouvements cet automne et cet hiver, en Allemagne, au Portugal, mais aussi et surtout en Italie (avec le mouvement étudiant « Ne nous volez pas l’avenir »), celui de la jeunesse grecque de la « génération 700 euros », qui s’enfonce dans la misère pendant que le gouvernement offre 28 milliards à ses banques. Ce sont des soulèvements en Islande, des révoltes en Bulgarie, Lettonie, Estonie... L’Europe est en train de se faire dans la rue, sur le terreau de la débâcle économique. Partout, les peuples ne veulent pas payer la crise du capitalisme.
Là où on pouvait craindre que la crise écrase par la peur, le 29 a donné une réponse et une expression visible à un basculement. Sarkozy ne récolte plus que de la haine. Le PS dégoûte, les syndicats n’entraînent pas.
« Nous sommes les nouveaux ouvriers », proclamait une pancarte, le 29. Les précaires à vie, ceux qui n’ont rien d’autre à perdre que leurs chaînes, les prolétaires, font leur retour sur la scène sociale. Et le NPA a comme premier but d’en porter toute la signification politique.