Publié le Mercredi 17 septembre 2014 à 10h02.

Censurons le gouvernement dans la rue

Avec le premier gouvernement Valls, Hollande avait pratiqué la fuite en avant, accélérant les attaques et dressant contre lui une partie de sa propre majorité. Au lieu de tenter la conciliation, Valls a préféré au sortir de l’été « démissionner » trois ministres osant discuter sa politique économique, amplifiant ainsi une crise politique majeure...

Depuis, tous les indicateurs montrent que cette politique en faveur du patronat est inefficace du point de vue des objectifs affichés (le retour de la sacro-sainte croissance) et désastreuse socialement pour la majorité des salariéEs, des retraitéEs et des chômeurEs. Valls est donc en quête d’une légitimité nouvelle, et c’est pour cela qu’il a demandé, ce mardi, pour la deuxième fois en cinq mois, la confiance des députéEs... tout en précisant qu’il n’y avait pas d’alternative possible à sa politique (« le renoncement ? Non ! »), qu’il fallait aller plus vite et plus fort. « Gouverner c’est résister, gouverner c’est réformer, gouverner c’est dire la vérité, aller chercher la confiance surtout quand c’est difficile »...Comme prévu, il a trouvé sans encombre une nouvelle majorité pour la lui accorder. Certes, il y a eu plus d’abstentions qu’il y a cinq mois, en particulier chez EÉLV, mais pas de quoi faire tomber ni même faire trembler un gouvernement, qui a donc de nouveau les mains libres pour garder le cap d’une politique totalement soumise aux exigences du Medef et des banques. Et ces derniers, qui ne lâchent pas l’affaire, sont déjà dans les starting-blocks de la course au profit et de la baisse du « coût du travail », proposant à la veille du vote de confiance, au nom de la création d’emplois (sic), un nouveau détricotage du code du travail et des droits sociaux.

La fausse opposition des « frondeurs »...Les raclées électorales des municipales, puis des Européennes, la perte d’adhérentEs et le discrédit grandissant du Parti socialiste accélèrent les divisions internes, mais sans que la rupture soit à l’ordre du jour. Avant de tenter de se démarquer du naufrage, Montebourg et Hamon ont bien fait le sale boulot. Les fameux « frondeurs » - « fraudeurs », très fortes gueules, en particulier dans les médias ou les fêtes populaires, le sont beaucoup moins quand il faut réellement passer aux actes. Rappelons que cet été, ces « frondeurs » (tout comme les radicaux de gauche et la majorité d’EÉLV) ont voté aussi bien pour la réforme ferroviaire que pour le projet de loi de finances rectificative pour 2014, qui a mis en place la première partie du Pacte de responsabilité. En avril, ils s’étaient déjà contentés de s’abstenir sur le vote du plan d’économies de 50 milliards d’euros pour 2015-2017. Bref beaucoup de bruit pour rien.Mais l’apparition de ces « frondeurs » et la sortie d’EÉLV du gouvernement relancent chez certains le débat sur une nouvelle forme d’union de la gauche. C’est en particulier le cas au PCF qui n’a cessé d’exprimer son soutien aux « frondeurs » durant sa fête de l’Huma. « Je sais bien que ça va se finir par des abstentions et que ce ne sera pas suffisant pour obtenir un changement de gouvernement, [explique Pierre Laurent]. Mais il n’y a pas si longtemps, il n’y avait pas de frondeur s». Les yeux de l’amour pour défendre la perspective d’une majorité parlementaire alternative avec une partie du PS et EÉLV...

La vraie fronde sociale et politiqueC’est tout ce que mérite ce gouvernement libéral aux ordres du Medef. Un véritable affrontement avec lui, construit dans l’unité.Les dernières mobilisations – cheminotEs, intermittentEs et précaires, Notre-Dame-des-Landes, postierEs... et celles d’ores et déjà prévues pour la défense de l’hôpital public ce mardi 23 septembre ou pour la Sécu le 16 octobre – montrent que résister à ce gouvernement est possible. Mais ce n’est pas suffisant. Dans les semaines qui viennent, de façon unitaire, il faut construire contre ce gouvernement un pouvoir plus fort que le sien, celui de la rue.Il y a quelques jours, Hollande a lui-même indiqué « deux situations » dans lesquelles l’hypothèse d’une dissolution de l’Assemblée pourrait être « envisageable » : « la majorité qui se dérobe », c’est-à-dire la perte de majorité à l’Assemblée... l’autre hypothèse étant « la paralysie du pays par la rue, par la grève générale » !Dans quelques semaines, le vote du budget pourrait être une occasion en or pour l’ensemble de la gauche sociale et politique de lancer la fronde. Chiche ?

Sandra Demarcq