Publié le Vendredi 26 octobre 2012 à 15h27.

Corse - à qui profitent les crimes ?

Antoine Sollacaro et Jean-­Dominique Simonetti Allegrini ont été assassinés le même jour. Tous deux nationalistes de longue date.Les médias se sont focalisés sur la personnalité du premier. Avocat, il était entre autres procès l’un des défenseurs d’Yvan Colonna. Pourfendeur de la JIRS1, Antoine Sollacaro ne cessait de dénoncer les méthodes de ce regroupement qui réunit des magistrats et des policiers et dont Sarkozy fut le créateur.Reste que ces exécutions sommaires touchent désormais quasiment toutes les composantes de la société corse. En dépit de forces de police (les plus nombreuses de tous les territoires), le taux d’élucidation des crimes de sang est insignifiant. Les médias locaux se bornent à commenter les faits sans opérer d’investigations. On ne saurait les montrer du doigt alors que les politiques, élus et formations, soit en appellent au renforcement de l’appareil d'État, soit se bornent à déplorer la situation.Pourtant, tenter de répondre à toutes ces questions, au-delà de l’identité des assassins, n’est pas chose impossible.Premier élément, la politique du tout ­tourisme voulu par l’UMP et, par la même occasion, le démantèlement des lois de protection des espaces naturels et en particulier la loi dite « Littoral». Le tout évidemment sur un mode ultralibéral. Dans ces brèches désormais ouvertes se sont engouffrés des capitaux en mal de recyclage. Les appétits se sont aiguisés et la spéculation immobilière n’a jamais été aussi forte. Deuxième élément, l’émergence de nouvelles bandes et les fractures apparues entre celles du milieu plus ancien.D’autres espaces attisent également les convoitises. Les marchés publics concernant les grands travaux donnent lieu à d’étranges répartitions. Le tout se déroulant dans un contexte social marqué par le chômage de masse (les jeunes en particulier) et des salaires nettement inférieurs au reste de l’hexagone. Depuis des décennies, l’État français a cherché à résoudre les problèmes posés par la revendication nationale. La répression a partiellement échoué. Les combinaisons politiciennes également. Plutôt que d’ouvrir un véritable processus de règlement politique en accédant aux légitimes revendications du mouvement national, c'est aux réseaux occultes qu'a été confié la tâche consistant à affadir et à dévoyer les mobilisations. Les diverses directions qui se sont succédé à la tête des formations nationalistes n’ont pas su s’opposer aux manœuvres de l'État. La Corse en paye le prix fort, car largement au-delà du grand banditisme c’est toute une société qui voit des hommes perdre la vie dans une actualité où le développement de mobilisations sociales et politiques bute sur une démoralisation de masse.Serge Vandepoorte1. JIRS : juridiction inter-régionale spécialisée de Marseille, chargée notamment des affaires touchant au grand banditisme corse.