Mardi 9 octobre, un gouvernement devait être formé sur demande expresse du président directeur général. Toute la journée, les rumeurs contradictoires ont circulé avant que l'on apprenne, finalement, que le remaniement était reporté : l’exécutif peine à composer une nouvelle équipe… Après l’épisode Benalla, après les départs fracassants de Hulot, Flessel et Collomb, il s’agit d’un nouvel épisode de la crise du macronisme. Suites et pas fin ?
« La seule chose qu’on n’a pas le droit de faire, c’est se plaindre. » C’est ainsi qu’il y a quelques jours, Macron osait s’adresser à une retraitée qui lui parlait du trop bas niveau des pensions. Alors, promis juré, on le plaindra pas, lui. On n’en a de toute façon pas du tout envie !
S’ils ne peuvent plus…
Depuis plusieurs semaines, le pouvoir est à la peine. Le bel effet d’attraction du macronisme qui, il y a peu, exerçait encore son magnétisme sur tous les politiciens opportunistes venus de gauche et de droite, est en train de s’épuiser à vitesse grand V.
Les raisons sont multiples. L’impopularité des premières contre-réformes mises en œuvre, dont la casse du code du travail et la loi ferroviaire du printemps dernier, s’est amplifiée à la faveur de l’été avec l’épisode Benalla qui a fait éclater la bulle du « nouveau monde politique ». Pour celles et ceux qui avaient encore leurs illusions de mai 2017, tout cela sentait bien le très vieux monde du petit personnel autoritaire de la 5e République…
Du coup, depuis la rentrée, Macron s’agite : il multiplie les déplacements et les bains de foule, les serrages de main et les photos souvenirs… avec toujours quelques saillies méprisantes adressées aux gens qu’il rencontre. Il enchaîne les postures prétendument sociales – « plan pauvreté » par ici, visite aux Antilles par là – mais rien n’y fait : les sondages dévissent (record d’impopularité battu !)... et les rats ministériels quittent le navire.
Quand ils ne veulent plus...
« Le problème de Macron, c’est qu’il n’a plus personne ! Il est à poil, il n’a plus de poids lourds » : sous le courageux sceau de l’anonymat, un soutier ex-soutien du président décrit une vérité. Il y a un mois déjà, le remplacement de Hulot par De Rugy au ministère de la Transition écologique, et de ce dernier par Ferrand au perchoir de l’Assemblée nationale, suivis du vide prolongé à la tête du ministère de l’Intérieur après le départ de Collomb, illustrent bien les effets d’usure accélérée du macronisme : plus grand monde ne veut y aller...
Après le cafouillage de mardi, le grand remaniement annoncé pour redonner du souffle à la majorité risque bien de faire pschitt, avec un « nouveau gouvernement » dont la feuille de route demeurera inchangée, héritant d’arbitrages budgétaires déjà rendus, et qui risque fort de ressembler, comme il est de coutume avec Macron, à un coup de com’ et d’enfumage ne masquant guère le rétrécissement manifeste de la base sociale du macronisme. Arrivé au pouvoir presqu’à la faveur d’un concours de circonstances après l’éviction d’un Hollande cramé par son quinquennat et d’un Fillon carbonisé par les affaires, le petit protégé de la bourgeoisie n’a pas encore donné tous les fruits attendus. Les réformes de choc visant le monde du travail se sont bien enchaînées durant l’année écoulée, mais la croissance française – certes revue un peu à la hausse ces derniers jours (+ 1,6 % pour l’Insee) – reste en berne, et patrons et actionnaires en veulent toujours plus.
À nous d’y aller !
Quelques mois après le mouvement du printemps dernier, ce mardi était aussi l’occasion pour notre camp social de retrouver le chemin de la rue. Dans un contexte d’impréparation due à des direction syndicales anesthésiée, avec un calendrier pour le moins problématique (journées éparpillées et sans lendemain), cette première journée interprofessionnelle de rentrée aura au moins permis à l’ensemble du monde du travail et de la jeunesse d’exprimer par la grève et les manifestations sa colère contre la politique de Macron et des patrons, avec des chiffres de mobilisation qui indiquent une disponibilité à reprendre le combat contre Macron (voir page 4).
Après avoir démoli le code du travail, le président des riches confirme vouloir s’en prendre ces prochains mois aux pensions des retraitéEs, avec une nouvelle idée qui visiblement plaît beaucoup au Medef : instaurer un « âge-pivot » à 63 ans, soit un an de plus que l’actuel âge légal de départ. Même la CFDT se dit opposée au projet, c’est dire !
Mais l’arrogant président devrait se méfier, car depuis son arrivée aux affaires, Jupiter n’a jamais été aussi fragilisé. Si la fuite en avant réactionnaire lui tient lieu de feuille de route, de notre côté aussi, c’est la reprise des hostilités. Les résistances, avec l’unité de ceux d’en bas, sauront se faire entendre.
Manu Bichindaritz