Publié le Jeudi 6 novembre 2014 à 08h10.

Gouvernement : combattre leurs logiques policières

La mort de Rémi Fraisse est un indice supplémentaire de la nature du pouvoir Hollande-Valls. Un pouvoir de moins en moins policé, de plus en plus policier ?

Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État et ami personnel du Premier ministre, a critiqué les réactions de Cécile Duflot face à la mort de Rémi en disant qu’elle avait perdu le « sens de l’État ». Le « sens de l’État » est une des références préférées des gens venus de la gauche et ayant évolué vers la droite : elle signifie la disponibilité à faire front et à réprimer le mouvement populaire.Ainsi, Georges Clemenceau est une des personnalités les plus admirées par Manuel Valls. Venu de la gauche, Clemenceau a dérivé : ministre de l’Intérieur en 1906, il déclare à la CGT : « Vous êtes derrière une barricade, moi je suis devant. […] Mon devoir, c’est de faire de l’ordre. Mon rôle est de contrarier vos efforts ». Il se surnomme lui-même « le premier flic de France » et brise sauvagement les grèves au prix de plusieurs morts. Il dénonce les « agitateurs » et utilise des agents provocateurs qui infiltrent les syndicats...Valls et Cazeneuve se situent dans cette continuité et chaussent les bottes de deux socialistes : Jules Moch qui a réprimé les grèves des mineurs en 1948 (voir interview de Jean-Luc Raynaud en page 8) et Robert Lacoste qui a couvert les tortionnaires de l’armée française lors de la guerre d’Algérie. Sans oublier bien entendu Mitterrand sous la présidence duquel ont été liquidés les indépendantistes kanaks.

Les symptômes de la crise politiqueIl y a bien une continuité du « socialisme » de gouvernement confronté à des mouvements populaires. Selon une information publiée par Mediapart, le préfet du Tarn avait donné des consignes d’« extrême fermeté » pour les manifestations des 25 et 26 octobre. En cela, il ne faisait que s’inscrire dans la logique des déclarations de Valls qui, le 6 septembre dernier en Gironde, se félicitait de n’avoir pas cédé aux opposants au barrage de Sivens...Jusqu’au début de l’été, Cécile Duflot a participé à la politique de ce pouvoir. Désormais elle la critique violemment et s’en prend à Valls et Cazeneuve. C’est un des signes de la crise politique. Ce gouvernement se prosterne devant les patrons, et désespère l’électorat populaire. Il va trop loin pour une partie de sa majorité.Des socialistes ont critiqué l’arrogance gouvernementale. Europe Écologie-les Verts a, non sans débats internes, décidé de ne pas participer au deuxième gouvernement Valls... mais s’inscrit toujours dans la majorité. Cependant, ne pas réagir vigoureusement sur Sivens aurait signifié une coupure avec leur base, d’où les déclarations musclées, notamment de Duflot et d’Éva Joly. Cette dernière a appelé à la démission de Cazeneuve, comme le PG, Jean-Luc Mélenchon, Ensemble et le NPA.Au fil des jours, de nouveaux éléments apparaissent, notamment la présence de policiers encagoulés infiltrés dans différentes manifestations. Dans les prochains jours, ces agissements sont susceptibles de renforcer le sentiment de révolte d’une fraction de la jeunesse. Il s’agit de faire converger les résistances au Clemenceau moderne, car tant que le débat sera cantonné au seul niveau médiatique, le pouvoir ne sera pas vraiment ébranlé.Le NPA s’efforcera donc de donner un caractère massif et unitaire aux initiatives qui seront prises ces prochains jours, et dans cet esprit prépare la manifestation du samedi 15 novembre.

Henri Wilno