Le « nouveau » gouvernement ressemble encore davantage à un énorme bras d’honneur adressé aux classes populaires et aux contestataires.La farce du « remaniement ministériel » est donc terminée et la prétendue compétition entre Fillon et Borloo avec elle. Tout ça pour ça, serions-nous tentés de dire, si cette mascarade surmédiatisée ne préfigurait une volonté de continuer, voire d’accélérer la politique de contre-réformes déjà largement mise en œuvre par les deux précédents gouvernements Fillon. Cette fuite en avant délibérée, assumée, quelques jours à peine après la dislocation des plus grandes manifestations populaires des quinze dernières années, est une déclaration de guerre au mouvement social. Le retour aux affaires d’Alain Juppé en est le pire symbole : défait par la rue en 1995, haï alors par une opinion publique qui l’avait chassé de Matignon. L’ancien Premier ministre de Chirac, toujours « droit dans ses bottes », rejoint aujourd’hui la garde rapprochée de Sarkozy. Symbole encore, le départ des ministres et secrétaires d’État prétendument « d’ouverture » Kouchner et Amara, et la nouvelle nomination pour bons et loyaux services du transfuge du PS Éric Besson, aujourd’hui inscrit à l’UMP. Symbole toujours, l’arrivée significative de l’ultra-droite de l’UMP (Mariani, Lellouche et Lefebvre) tous trois parfaitement compatibles avec les positions du Front national. Se voulant metteur en scène de sa réélection en 2012, Sarkozy, loin de lâcher son fidèle Borloo, entend dès aujourd’hui faire jouer à ce dernier un nouveau rôle dans son théâtre de marionnettes, celui de fédérateur d’une expression « autonome » des centristes (également convoités par les partisans de Ségolène Royal). Plus fiable et moins ambitieux qu’un François Bayrou, sa prétendue image d’ouverture au dialogue social pourrait constituer un réservoir de voix pour le second tour du scrutin présidentiel. Toutes ces nominations provocatrices et ces petits calculs électoralistes ne doivent pas nous faire perdre de vue que les seuls, les vrais critères retenus dans les choix qui sont opérés ne relèvent pas de Sarkozy, ou de quelques-uns de ses conseillers. Ce sont les agences de notations, les grands actionnaires des entreprises du CAC 40 et leurs aréopages d’experts financiers qui décident de tout. Il suffit de voir la réaction de Laurence Parisot à l’annonce du remaniement pour en être convaincu : « Le gouvernement qui a démissionné hier soir a conduit des réformes majeures qui vont nous aider dans la sortie de crise » Fillon ? « Un homme d’une grande rigueur ». Elle aurait pu en dire tout autant d’un Dominique Strauss-Khan rendant hommage à la ministre de l’Économie et des Finances Christine Lagarde « qui représente bien les intérêts de la France ». Un gouvernement illégitimeCe gouvernement « de combat » est affaibli avant même d’avoir pris ses fonctions. Délégitimé par la vague de fond du mouvement de rejet de la contre-réforme des retraites, il n’a d’autres perspectives pour faire payer la crise globale du système que d’affronter la classe ouvrière et les masses populaires. Il n’y aura pas de pause dans les contre-réformes d’ici 2012. L’épisode des retraites sera suivi bientôt par la remise en cause par le patronat du financement des retraites complémentaires, l’accélération de la casse du système de santé et de la protection sociale. La chasse aux sans-papiers va continuer, avec ou sans ministère de l’Identité nationale, et le FN en embuscade continuera, sans qu’il n’ait besoin de trop parler, à se renforcer. Il est de notre responsabilité collective qu’il en soit autrement. Le formidable potentiel exprimé pendant les mobilisations massives des dernières semaines démontre que rien n’est joué. Attendre l’échéance présidentielle de 2012, l’arme au pied, serait faire un cadeau au patronat et à l’extrême droite. Nous n’avons rien à attendre des échéances institutionnelles. Alain Pojolat
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