Samedi 20 juillet, pour tenter de faire oublier la longue confrontation avec les Gilets jaunes, Macron s’est invité à la fin de l’étape du Tour de France. Par chance, un Français était maillot jaune et un autre vainqueur de l’étape. Cette aubaine a permis à Macron de nous rejouer le coup de la France unie : « On est extrêmement fiers... j’espère qu’on va déjouer la malédiction et réussir à avoir un Français qui arrive avec le maillot jaune sur les Champs-Élysées… C’est tout le pays qui est derrière vous », a-t-il dit aux deux cyclistes qui « rendent notre pays fier, nos concitoyens fiers ». Probablement un pointe de jalousie de la part d’un président sifflé, lui, sur le podium ou aux Champs-Élysées, et qui ne peut se prévaloir du soutien, selon les sondages, que de 30 % des FrançaisEs.
Une répression inédite
Mais ces bains de foule typiques de la 5e République peuvent devenir l’occasion de rappeler à Macron ou à ses ministres que leur police a malmené Geneviève Legay, provoqué la disparition de Steve, blessé grièvement des dizaines de Gilets jaunes et tué Zineb Redouane. Des violences policières qui s’inscrivent dans une politique de répression des résistances, des mouvements sociaux, avec les attaques contre le droit du travail et les arrestations massives et préventives, les interdictions de manifester. Une politique répressive qui vise à empêcher toute contestation de sa politique de régression sociale.
L’assaut contre les retraites
Une politique brutale puisque, après le droit du travail, la SNCF et l’assurance chômage, les retraites sont dans le collimateur du gouvernement. Sous prétexte d’allongement de l’espérance de vie et du coût des retraites, le pouvoir envisage de mettre en place un système dit « par points », qui permettrait aux gouvernements suivants de baisser les pensions en fonction du budget de l’État. Un budget construit avant tout pour aider le patronat à sauvegarder ses profits et qui conduirait à une baisse générale des pensions. Pourtant, le financement des retraites serait largement assuré en annulant des exonérations de cotisations sociales, en réduisant le chômage et en assurant l’égalité femmes-hommes.
Le prétendu maintien de l’âge légal de départ en retraite à 62 ans serait de fait effacé par la mise en place d’une décote pour tout départ avant cet âge. Le « libre » choix de la date de départ, présenté comme âge d’équilibre, serait en réalité à 64 ans dès la mise en place de la contre-réforme avec une évolution envisagée et l’allongement de la durée du travail d’ores et déjà prévue.
Un système qui ne permettrait pas de mieux compenser les aléas des parcours professionnels, notamment pour les femmes ou les salariéEs précaires pendant que la prise en compte de la pénibilité continuera à être combattue par le patronat.
Fort de l’absence d’opposition politique
Affaiblie par la multiplication des bavures policières, par les « affaires », de Benalla à Rugy, par les déclarations de Benjamin Griveaux, candidat LREM à la mairie de Paris, et la persistance des mobilisations des Gilets jaunes, la majorité gouvernementale bénéficie de la faiblesse des oppositions politiques. D’une part, du côté des partis de gouvernement de « gauche », au personnel et aux politiques interchangeables avec ceux de droite. Les ministres de l’intérieur se ressemblent, de Sarkozy à Castaner (ex-membre de cabinets ministériels dans le gouvernement Jospin) en passant par Valls et Collomb ; à l’écologie, Élisabeth Borne est une ex-conseillère dans le ministère de Ségolène Royal. Pas étonnant qu’électeurs et électrices désertent le chemin d’urnes dont sortent toujours les mêmes politiques. D’autre part, à gauche du Parti socialiste, des alliances, recompositions, qui semblent avant tout devoir permettre à des têtes d’affiche de se mettre en avant dans la perspective des prochaines élections présidentielles.
Construire les ripostes
Les offensives patronales ne font pas de pause avec la multiplication des licenciements dans le commerce, à Alstom, etc. En même temps, les mobilisations sociales se poursuivent. Des luttes prolongées à La Poste, dans les hôpitaux et notamment dans les services d’urgences, dans l’éducation, dans les entreprises de nettoyage et de maintenance des hôtels, celles des travailleurEs sans papiers de Chronopost Alfortville, dans le soutien à la lutte pour la justice pour Adama Traoré. Une ténacité, une radicalité qui caractérise la mobilisation des Gilets jaunes, et des cadres de rencontres qui construisent des solidarités entre horizons différents, comme la Marche du Comité Adama « Ripostons à l’autoritarisme » (voir page 10) qui a réuni des familles de victimes de violences policières de tout le pays, des Gilets Jaunes, des sans-papiers, des militantEs politiques et syndicaux de Solidaires et de la CGT. Des ingrédients qu’il faudra mettre au service d’une convergence, d’un élargissement des colères, notamment pour préparer un affrontement décisif pour les retraites.
Robert Pelletier