Un mois de luttes et de grèves n’ont pas suffi à faire plier Macron. Il s’agit désormais de faire franchir un cap à la mobilisation.
Le 7 mai 2017, Macron l’emportait au second tour de l’élection présidentielle. Un an plus tard, force est de constater que le président de la « start-up nation », pourtant mal élu, a considéré avoir reçu un mandat pour décupler l’offensive contre les classes populaires. Une posture qui a, dans un premier temps, suscité peu de réactions d’ampleur, avec un mouvement ouvrier dans une posture attentiste et acceptant le jeu trompeur du « dialogue social ». Mais petit à petit, le vent a tourné, et Macron est aujourd’hui dans une situation beaucoup plus conflictuelle et instable que ses déclarations pleines d’une arrogante assurance peuvent le laisser supposer.
Un changement de climat social s’est en effet opéré au cours des dernières semaines et si pour l’instant aucun recul significatif n’est à mettre au crédit des mobilisations qui se sont développées dans de multiples secteurs, il est évident que la sidération n’est plus de mise et que c’est bel et bien la résistance à l’offensive macronienne qui est à l’ordre du jour.
La colère monte
Le mois de mai s’est ouvert avec des manifestations regroupant 200 000 personnes, soit une mobilisation importante, avec des cortèges denses et souvent combatifs. La manifestation parisienne était particulièrement massive, tandis qu’une partie des autres manifestations s’est déroulée pendant les vacances. Le signe d’une colère qui monte contre Macron, dans les universités, à la SNCF, mais aussi dans l’ensemble du monde du travail et la jeunesse.
L’attention s’est particulièrement focalisée sur les « violences » qui se sont déroulées dans les rues de Paris, comme si le véritable scandale, depuis plusieurs semaines, n’était pas la violence employée de manière quasi systématique par le pouvoir, en premier lieu contre les étudiantEs occupant leurs universités.
Ainsi, si nous ne partageons pas la politique des groupes autonomes, nous comprenons la colère grandissante d’une partie de la jeunesse, qui fait face à la violence sociale et policière dans sa vie quotidienne. C’est bien du gouvernement que vient la responsabilité de la confrontation actuelle : il est celui qui agresse le monde du travail et la jeunesse, refusant d’entendre la contestation sociale, la traitant par le mépris et, quand cela ne suffit pas, par la politique de la matraque.
Une contestation qui s’installe
Mais ce mépris doublé de violence n’a pas suffi à renverser la vapeur, et le climat de contestation s’installe, avec une multiplication des échéances de mobilisation, de plus en plus rapprochées, comme en témoigne le triptyque formé par les journées des 1er, 3 et 5 mai, et les prochaines dates qui s’annoncent, entre autres dans le secteur de la santé et dans la fonction publique. Si l’on y ajoute le fait que, malgré la communication outrancière de la SNCF, la grève des cheminotEs est loin de s’être « essoufflée », le mois de mai promet de ne pas être un long fleuve tranquille pour le gouvernement.
Il importe toutefois d’être lucide et de constater que le rapport de forces jusqu’ici établi n’a pas permis de faire cesser l’offensive de Macron et Cie, sans même parler de les faire reculer. Pour que ce mois de mai soit victorieux, il s’agit donc de faire un premier bilan d’étape, en considérant les forces mais aussi les faiblesses du mouvement de contestation actuelle, et en se donnant les moyens, touTEs ensemble, de lui faire franchir un cap.
Unité, massivité, radicalité
Concernant les points positifs, on notera que la mobilisation est multi-sectorielle, des cheminotEs aux étudiantEs en passant par les postierEs, les personnels hospitaliers, celles et ceux des finances publiques ou encore, avec la date du 3 mai, de l’éducation nationale, avec également des luttes dans des entreprises aussi diverses que Carrefour, Air France ou Ford Blanquefort. Cette pluralité est une force à la condition que des convergences s’opèrent, ce qui a commencé à se faire avec la construction de passerelles entre secteurs mobilisés et l’organisation d’initiatives communes, sans oublier le cadre unitaire des organisations politiques à l’initiative du NPA.
Des éléments positifs qui ne suffisent malheureusement pas. Il s’agit en effet de faire un double saut, qualitatif et quantitatif, en alliant unité, massivité et radicalité, et en ne perdant jamais de vue que seule une mobilisation de masse, durable et déterminée, pourrait faire plier le pouvoir. En d’autres termes, l’urgence de l’heure est d’étendre et de faire converger les luttes, en multipliant les cadres d’information et de mobilisation locaux, sur nos lieux d’études, de travail et de vie, en menant la bataille pour que, dans les organisations syndicales, les logiques d’appareil soient bousculées et en luttant contre toute forme de sectarisme et d’électoralisme du côté des organisations politiques.
Une petite musique commence en effet à se faire entendre, qui tente de nous faire croire que, plus le temps passe, plus la logique voudrait que la bataille en cours contre Macron ne pourrait se concrétiser que lors des futures échéances électorales, européennes en 2019 et municipales en 2020. Or, rien n’est moins vrai. Le seul moyen de faire barrage au gouvernement, c’est de prendre la rue et de la garder, de construire un vaste mouvement, ici et maintenant, qui se donne pour perspective le blocage du pays. Faute de quoi, c’est bientôt Macron qui pourra faire la fête.
Julien Salingue