Publié le Mercredi 7 juin 2023 à 09h00.

Salaires, retraites, écologie : pas de justice, pas de paix

Pas de retrait, pas de paix. C’est semble-t-il l’esprit de la journée du 6 juin qui, sans surprise, s’annonce, à l’heure où nous écrivons ces lignes, comme la moins massive des journées de mobilisation contre la réforme des retraites qui ont eu lieu depuis le 19 janvier. Mais…

Que le gouvernement ne s’y trompe pas, ce souffle de colère laissera des traces bien après les « 100 jours». Il n’y a et il n’y aura pas d’apaisement, ni le 14 Juillet ni après. Car tout montre que la crise politique ouverte est loin d’être refermée.

Crise de régime

Les dernières gesticulations visant à empêcher les députéEs de se prononcer sur la proposition de loi du groupe LIOT pour abroger la réforme des retraites montre l’état de panique du pouvoir. La présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, a hésité avant d’opter pour l’utilisation de l’article 40, selon lequel il ne serait pas possible de voter une loi sans compenser les pertes financières qu’elle implique.

Sur le fond, la tenante du Perchoir, appuyée par tout l’appareil technique constitutionnel et ses instances (Sénat, Conseil constitutionnel, Conseil d’État), se focalise sur les pertes financières (imaginaires) du régime de retraites sans voir l’immensité des cadeaux fait aux riches par la macronie, dont le dernier exemple est une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP), publiée le 6 juin, montrant que les milliardaires payent moins d’impôts que les millionnaires1. Quel apaisement espérer ?

Sur la forme, ce déni de « démocratie » pourrait n’apparaître que comme une mascarade de plus. C’est pourtant bien pire ! C’est du vol et un accaparement des institutions au profit d’une minorité. On savait certes la 5e République et ses institutions, qualifiées de « coup d’État permanent » par Mitterrand en 1964, inaptes à nous représenter ; on mesure aujourd’hui encore davantage l’ampleur de l’escroquerie. Quel apaisement espérer ?

Avoir des outils pour s’organiser face aux attaques

Il s’agit pour le gouvernement de sauver la peau d’un quinquennat qui tient sur cette réforme où le mensonge le dispute à l’humiliation et à la répression. Redevable le gouvernement l’est… devant les riches, les patrons et les puissants dont il défend les intérêts avec acharnement. Et toutes les réformes en cours ou à venir sont des attaques contre notre camp social : assurance chômage, RSA, loi Darmanin sur l’immigration, poursuite de la casse des services publics et de la spéculation sur le logement…

Nous avons besoin de nous mobiliser, mais aussi de discuter, de continuer à être ensemble, de nous organiser, de tirer des bilans ensemble. Car nous ne devons pas laisser une minute de répit à ce gouvernement et à sa politique de casse sociale. Nous devons rester uniEs et organiséEs, à commencer par nos lieux d’études et nos lieux de travail, où le syndicat peut et doit être un outil pour nos salaires et nos conditions de travail.

Construire du (des) collectif(s), organiser les solidarités, combattre la résignation et le repli fataliste : autant de tâches urgentes et essentielles pour tenir et résister face au néolibéralisme autoritaire, qui mène la planète et l’humanité à leur perte.

Au-delà, face à la crise politique qui s’approfondit et à l’extrême droite qui attend son heure, il devient urgent également de construire une force politique anticapitaliste, révolutionnaire, radicale, unitaire et démocratique.

Préparer les combats de demain et s’organiser

Nous devons tirer les bilans de cette lutte dont l’écho a retenti dans toute l’Europe pour que nos prochains combats soient victorieux. Certes, l’intersyndicale unie a été un puissant levier, mais il n’a pas toujours été facile d’être en grève, de mobiliser les collègues pour une reconductible, de débattre en AG nombreuses et nombreux pour discuter de la manière de remporter le morceau face aux riches et à Macron.

Les atermoiements de l’inter­syndicale, qui n’a jamais réellement appelé à des grèves sur plusieurs jours, et l’absence de journées de mobilisation depuis le 1er Mai pèsent aujourd’hui pour entamer un énième round sur les retraites. Mais la colère intacte ne doit pas se transformer en haine de soi, haine de son voisin ou collègue, ce qui arrangerait finalement le gouvernement et dont tirerait profit plus que jamais l’extrême droite. L’issue : se regrouper, s’unir face aux mauvais coups du gouvernement, aux salaires trop bas comme l’ont fait les ouvrierEs de Vertbaudet ou le font les salariéEs de Disneyland, comme cela a été fait contre la répression à Sainte-Soline et la menace de dissolution des Soulèvements de la Terre ou pour soutenir les camarades répriméEs.

Dans les prochains jours, nous aurons à montrer notre solidarité envers toutes celles et tous ceux qui sont victimes de la répression, et notamment aux militantEs qui avaient conduit l’action contre l’usine Lafarge de la Malle à Bouc-Bel-Air (13) le 10 décembre dernier, occasionnant — volontairement — des dégâts pour alerter sur l’urgence climatique.

En ne comptant que sur nos propres forces ! Mais uniEs ! Contre toutes les discriminations, pour la retraite à 60 ans, l’échelle mobile des salaires, le partage du temps de travail, la taxation des profits pour financer les services publics et étendre le champ des biens communs.

  • 1. Anne-Sophie Lechevallier et Jérôme Lefilliâtre, « En France, les milliardaires sont moins taxés que les millionnaires », Libération, 6 juin.