Publié le Vendredi 5 décembre 2014 à 10h24.

Un gouvernement de casseurs

Il a osé. Interrogé sur les circonstances de la mort de Rémi Fraisse et sur le mensonge d’État qui s’en est suivi, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a osé déclarer que « l’État a[vait] réagi comme il devait réagir », avant d’affirmer que « sans les casseurs, Rémi Fraisse ne serait pas mort ». Au sommet de la hiérarchie policière et donc directement responsable de la mort du jeune militant écologiste, Cazeneuve a décidé d’ajouter l’outrance au mensonge, révélant un peu plus le véritable visage d’un gouvernement qui l’a soutenu sans coup férir ces dernières semaines.

Deux faces d’une même politique

Le gouvernement Hollande-Valls avait été décrit par certains, à juste titre, comme un gouvernement de « droite complexée ».

L’actualité récente tend à démontrer que cette deuxième droite a de moins en moins de complexes, et qu’elle assume sa conversion non seulement au libéralisme économique mais aussi à l’autoritarisme politique. Le banquier Macron et le flic Cazeneuve incarnent en effet les deux faces d’une même politique, qui affaiblit toujours un peu plus « l’État social » et renforce « l’État pénal », n’hésitant pas à ajouter à la répression anti-syndicale des mesures d’interdiction des manifestations et un arsenal répressif, sous couvert de « lutte anti-terroriste », qui semble directement inspiré du Patriot Act.

Un gouvernement de casseurs qui, pendant qu’on amuse la galerie avec les vrais-faux mensonges de Jean-Pierre Jouyet et les petites magouilles politiciennes qu’ils révèlent, poursuit son entreprise de destruction des acquis sociaux et de démantèlement des services publics. Les textes budgétaires récemment adoptés (ou en cours d’adoption) confirment en effet qu’Hollande et Valls ont décidé de maintenir le cap de l’austérité et des cadeaux aux entreprises : 40 milliards offerts au patronat, d’ici à 2017, dans le cadre du « pacte de responsabilité », 21 milliards de baisse des dépenses publiques (État, collectivités locales et Sécurité sociale).

Une politique non seulement antisociale mais qui, de plus, produit les effets inverses de ceux qu’elle prétend entrainer, avec une spectaculaire hausse du chômage, qui touche désormais 5,43 millions de personnes (toutes catégories confondues), soit près de 280 000 chômeurs supplémentaires en un an. L’obstination du gouvernement et son enfermement dans les dogmes néolibéraux produisent des conséquences sociales désastreuses, qui ne peuvent aller qu’en s’amplifiant à mesure que les politiques d’austérité se poursuivront, à l’instar de ce qui se passe en Grèce ou dans l’État espagnol.

Construire une opposition durable

La crise se poursuit et s’approfondit, et l’on ne peut que constater, à regret, que la riposte est loin d’être à la hauteur. Car si les récentes mobilisations contre la politique de Valls et Hollande, de la manifestation unitaire du 15 novembre aux différents rendez-vous contre « l’hôstérité » organisées par les personnels hospitaliers, en passant par les manifestations contre les violences policières, montrent que les jeunes et les salariés ne courbent pas tous l’échine, le moins que l’on puisse dire est que leur succès et leur écho n’ont été que très relatifs.

L’ensemble des forces sociales et politiques opposées à l’austérité doivent en tirer les conséquences, en prenant appui sur les acquis de ces mobilisations (démarches unitaires, convergence entre différents secteurs du salariat, refus de toute mesure d’austérité) et en cherchant à construire une opposition claire, large et durable au gouvernement, seul moyen de modifier les rapports de forces et de lutter efficacement contre le FN. Ce dernier profite en effet non seulement de la crise économique et sociale (et de la crise politique qui l’accompagne), mais également de la faiblesse des mobilisations collectives, qui suscite découragement, voire résignation, et qui donne d’autant plus d’écho aux discours de stigmatisation, de division et de repli vers le chacun pour soi.

Une telle opposition, qui devrait se fixer pour tâche la construction d’un mouvement d’ensemble mettant un coup d’arrêt aux politiques d’austérité, ne pourra s’ancrer durablement que si elle se conçoit comme indépendante du gouvernement et du Parti socialiste, et refuse tout raccourci politique et institutionnel, qu’il s’agisse d’une nouvelle mouture de la « gauche plurielle » ou de la revendication abstraite et démobilisatrice d’une « nouvelle république ».

C’est au développement de cette opposition que le NPA continuera de s’atteler dans les mois qui viennent, sans toutefois confondre la nécessaire unité d’action et l’indispensable construction d’une alternative politique crédible aux projets de gestion servile ou de réforme du capitalisme. L’urgence est en effet non seulement au rassemblement le plus large pour en finir avec l’austérité, mais aussi au regroupement de toutes celles et tous ceux qui refusent de s’accommoder d’un système capitaliste qui nous précipite chaque jour un peu plus vers la barbarie.

Julien Salingue